Yuzu à Nice, les sushi comme là-bas
Yuzu, c’est la perle du sushi à Nice. Loin des hautes sphères gastronomiques japonaises hors de prix tout en étant à des années-lumière des faux restaurants de sushi que l’on peut trouver en France, Yuzu est une adresse authentique, un vrai sushiya – comprenez adresse spécialisée dans le sushi, et seulement le sushi – comme là-bas. Le poisson est excellent, le coup de couteau du chef est expert, les prix sont abordables. Bref, pour s’initier au sushi véritable, Yuzu est une valeur sûre. Afin de bien comprendre pourquoi, je vais devoir rappeler deux ou trois notions essentielles pour s’y retrouver dans l’univers parfois complexe de la restauration japonaise.
C’est certainement à Nice que l’on trouve la plus grande concentration de bons restaurants japonais après Paris. Comme ils sont tenus par des Japonais (par opposition aux chaînes françaises et aux restaurants « japonais » tenus par des Chinois ou Viets), ils suivent les codes de la restauration en vigueur au Japon : chacun sa spécialité, et on laisse le reste aux autres.
Nous avons par exemple Jun, qui règne sur le teppanyaki ; Kamogawa, qui fait dans le nabe et les grillades ; Saison, teishoku très fin ; Keisuke Matsushima, restaurant étoilé, fusion des cuisines française et japonaise ; Ma Yucca, petit teishoku familial aux influences françaises. Au fait, un teishoku, c’est un restaurant où l’on vous sert un menu complet avec un plat principal accompagné de riz, de la soupe miso et d’autres petits choses. Les mets pourront être mijotés, frits, marinés etc.
Enfin un vrai sushiya à Nice
Pour s’approcher de la réalité japonaise, il faudrait que nous ayons aussi un restaurant de curry, un établissement spécialisé dans les nouilles etc. Mais ça, nous n’avons pas. Tout simplement parce que les Niçois n’accrochent pas forcément avec ce genre de cuisine populaire. A Paris, ça fonctionne bien, principalement parce qu’il fait froid et que les Parisiens aiment la cuisine qui tient au corps, les adresses où l’on mange et l’on boit généreusement.
Les bonnes brasseries françaises, les izakaya, les gros bols d’udon avec du gras à la surface, à tout cela un Parisien dira oui. Un Niçois dira euh… vous n’auriez pas un truc un peu plus léger s’il vous plaît ? Sinon je vais suer tout l’aprem.
Bref, pas de curry ou d’udon chez nous, mais quelques adresses fabuleuses dans leurs styles respectifs. Toutefois, ce qui manquait sérieusement à la liste des établissements japonais de la région, c’était un bon restaurant spécialiste du sushi. Certes, il y a Yoshi de Joël Robuchon à Monaco, avec son petit menu trop sympa à seulement 180 euros par tête, sûrement fabuleux, mais inabordable pour le commun des mortels. Ou Sushi Shop, pour tous ceux qui aiment manger du poisson surgelé minable, mal découpé, et des accompagnements aux OGM. Ouf, depuis 2010, il y a une option abordable (les menus de midi tournent autour de 16-18 euros), un véritable sushiya comme là-bas : Yuzu, qui nous régale de poissons d’une fraîcheur incomparable depuis 2010.
Un établissement sans prétention mais un chef expert
C’est de loin le meilleur rapport qualité-prix pour des sushi et sashimi dans la région. Et surtout, Yuzu est un vrai sushiya, un pur dont la cuisine me rappelle tant de minuscules bars à sushi de Tokyo. En fait, on vous dira souvent que les sushi sont exceptionnels au Japon, que c’est un plat de luxe etc. Ce n’est pas nécessairement vrai.
Evidemment, le poisson cru ne sera jamais aussi peu cher que les nouilles ou le porc pané, mais il y a toutes les gammes de prix pour ce type de cuisine. Des tarifs de l’ordre de Yoshi jusqu’à des bento de sushi et sashimi vendus au supermarché – pas extraordinaires mais toujours 100 000 fois meilleurs que Sushi Shop – que vous paierez 4 à 7 euros. Et entre les deux, toutes les nuances sont possibles. Les sushiya médians, comme Yuzu, sont d’excellents choix.
Comme dans tout bon petit sushiya sans prétention au Japon (mais hors du commun pour la France), chez Yuzu, on mise tout sur le poisson et le riz. Le reste est accessoire. Le restaurant a beau être tout simple, le chef n’est pas n’importe qui : c’est Keiji Sakaguchi, installé en France depuis plus de 40 ans. Il a été maître sushi pour de grands restaurants japonais à Paris : Takara (le premier restaurant japonais en France), Koshi, Sushi-Cho et Hanawa, l’établissement favori des stars et des hommes politiques. Malgré tout ça, le chef reste très humble, discret ; son rôle est central mais il ne cherche pas à se donner en spectacle. C’est du côté du poisson que tout se joue.
La pêche locale en vedette
Comme nous avons sous nos latitudes des espèces marines en commun avec le Japon, on peut trouver des sushi et sashimi tout à fait traditionnels comme la bonite, les alevins de sardine, le chinchard ou le bar. Pour le reste, l’excellent chef adapte les recettes japonaises à la pêche locale. Peu de thon (ce qui est bien), de la dorade, du pageot, de la barbue… Seule entorse à la règle de la localité, l’inévitable saumon qu’on peut difficilement contourner en France, car c’est le grand favori.
J’ai assisté à la livraison du poisson frais chez Yuzu, et c’était magnifique : un petit pêcheur du coin est venu déposer deux caisses de dorade, bonites et autres merveilles méditerranéennes tout juste sorties de l’eau. Quand le chef reçoit le poisson, la dorade frétille encore. Et cette dorade, quelle beauté !
Poissons hors du commun et excellent rapport qualité-prix
En optant pour le menu assortiment de sashimi du chef à 18 euros et le menu plateau de nigiri-sushi « Méditerranée » à 16 euros (à moins que j’inverse les prix), nous avons droit à une petite entrée, et ça tombe bien, c’est un plat que j’adore : du son de soja (okara / おから) cuisiné aux carottes, shiitake et bardane, on appelle ça unohana / 卯の花.
Puis viennent les poissons accompagnés de riz. Devant de si jolis plateaux, on pardonne le miso qui n’est pas terrible. D’un côté, il y a des gunkan sushi de poutine pochée, chirimenjako en japonais – des alevins de sardine si vous préférez – avec du gingembre râpé très fin et de la ciboule. Juste derrière, des nigiri-sushi de pageot, dont j’adore la couleur rose nacré, mais aussi du chinchard, aux superbes teintes rouges, roses, argentées, et de généreux nigiri de bonite.
De l’autre côté, l’assortiment de sashimi du chef reprend plusieurs poissons du plateau méditerranéen. On retrouve la bonite et le chinchard, on a également de la dorade, du bar et du saumon. Le chinchard est d’une finesse magnifique, c’est très joli et très bon ; la bonite est incroyablement fondante. Au Japon, j’en ai mangé de très bons sashimi, mais je reste quand même scotchée par celle de Yuzu.
Le reste est très bon aussi, mais je suis tellement ravie par les deux poissons que je viens de citer que j’en oublie un peu les autres. Pourtant, le saumon est d’excellente qualité, la poutine / shirasu et la dorade aussi. Puis vient le dessert, sans importance, il est surtout là parce que les Français ne comprennent pas que l’on n’en serve pas. Il y a le choix entre une salade de fruits pas top et une gelée au café sans plus. On s’en fiche. Dans un sushiya, normalement on n’aurait même pas de dessert. On était là pour le poisson, et le poisson est bon.
Ce qui est parfois rageant, c’est que bon nombre de clients ne voient pas réellement la différence entre ce restaurant de sushi et les autres. Ils savent que c’est meilleur, mais ils choisissent tout de même systématiquement les seuls intrus au menu : les california maki. Quand on a la chance d’avoir un chef aussi expérimenté que Keiji Sakaguchi et un poisson tout juste sorti de l’eau, faire un tel choix, c’est s’assurer de passer à côté de fabuleuses découvertes.
En effet, à chaque saison, les poissons proposés sont différents. C’est l’occasion de découvrir à chaque fois un nouvel aspect de la pêche locale cuisinée à la japonaise, avec du poulpe et des oursins en hiver, du maquereau en été etc. Selon la pêche et le marché du jour, vous aurez de grandes chances de manger un menu très différent de ce que l’on m’a servi aujourd’hui.
Idéal pour déjeuner seul
La clientèle de Yuzu est également largement constituée de grands amateurs de sushi, d’habitués, de Japonais et de Français japanophones. Il est commun de venir y manger seul à midi, exactement comme le font les Japonais dans leurs petits sushiya. On regrette d’ailleurs qu’il n’y ait pas plus de places au bar, car cela semble être la vocation de ce lieu unique dans la région.
Le personnel est charmant et chaleureux, et sa présence assure de passer un bon moment si l’on vient seul. On passe du temps à vous expliquer ce que vous mangez, sans jamais vous importuner ; si vous êtes un peu connaisseur ou simplement curieux, vous pourrez échanger et comprendre les saisons, les types de poissons associés au Japon et en France, les similitudes culinaires entre nos deux cultures, en français ou en japonais.
Bref, une chouette adresse à découvrir du mardi au samedi, au 35 rue du Maréchal Joffre à Nice (à l’angle de la rue du Congrès, qui part du Palais de la Méditerranée), dans ce qui est en train de devenir un quartier japonais : dans un rayon de 100 mètres, vous trouverez Keisuke Matsushima, Ma Yucca, Kamogawa et Yuzu. Vous aurez donc le choix entre différents types de cuisine japonaise, et pour ce qui est du poisson cru hein, vous avez compris, c’est chez Yuzu que ça se passe.
Voilà qui va me changer de René Socca, d’autant que je n’ai jamais goûté au chinchard de Méditerranée ; il faut que ce soient les japonais qui nous apprennent comme ce poisson est bon quand on sait le couper.
En Bretagne, on le méprise encore plus que les azuriens, il est introuvable même auprès des pêcheurs qui le rejettent ou s’en servent comme vif, et par ailleurs, c’est sous ce nom qu’on désigne les touristes (indésirables par principe) à Ouessant et Molène.
Va falloir que je combine ma prochaine virée là-bas entre oursins et poutine, asperges sauvages et sanguins, sans compter tout le reste, comme d’hab, ma vraie vie de mangeur à moi que j’ai…
Patrick, une fois de plus tu tapes dans le mille avec tes histoires de chinchard. C’est très à propos, ça rejoint une idée que je vais aborder dans le prochain billet. J’y raconterai l’histoire du poisson perroquet, un destin à la chinchard, en plus compliqué, avec un goût de success story amère. Ok, c’est pas clair ce que je raconte, je vais l’écrire et on reparlera ensuite.
Effectivement, avec du chinchard, on voit que c’est du vrai japonais. (quand il y aura moins de saumon aussi, c’est du vrai japonais. La cravate aussi, c’est du vrai japonais.
C’est tellement vrai ! Tu me fais rire, j’ai vraiment hâte de te rencontrer…
Tres bientot.
Avant la fin d’avril ? C’est ce qu’on pense, patrick et moi…
Oui ! Vous préférez me voir à 29 ou à 30 ans ? Je passe la barre des 30 le 26 avril…
Bonjour Camille ! Et merci pour la bonne adresse. Le yuzu est un petit voyage !
Le maître-sushi a peut-être un nom de maroquinerie de luxe mais la pointe de son long couteau est si précise que chaque morceau nous a enchantés. Et ses sabots-tongs ! Et sa cravate ! La serveuse du YUZU est adorable et vraiment très attentionnée (ça fait la différence, ici). J’ai découvert la gelée de café !!
Camille, j’adorerais connaitre ton avis sur le WASABI D’AZUR, restaurant japonais à Cannes avec « la plus grande cave de saké de France »…
Bonjour Pierre,
je n’ai jamais essayé Wasabi d’Azur, et je ne vais pas en avoir la possibilité dans les mois qui viennent, je repars au japon pour 6 mois… Mais j’y jetterai sûrement un oeil à mon retour.
Okay, merci et bon voyage !!
Merci !
Merci pour l’adresse ! Ca à l’air d’être un super jap’, j’y vais demain pour goûter un peu à tout ca, tu m’a mis en appétit ^^
Bonjour Max, il faut se dépêcher, le chef va très bientôt prendre sa retraite, l’annonce a été faite officiellement il y a quelques semaines…
Bonjour, en effet, le chinchard est une pure merveille! J’ai appris à le cuisiner avec une japonaise ainsi que le maquereau mariné que l’on ne trouve pas dans les restos japonais à part chez Yuzu aussi. Trop méprisé, c’est pourtant un poisson très fin et facile à préparer, en plus, peu cher et présent toute l’année au marché de la libé où l’on croise le cuistot de chez yusu qui vient presque tous les matins chercher le meilleur poisson. Je vois sur tes photos que tu as mangé l’okara traditionnel, j’adore ça et j’en fais de temps en temps. Je n’avais pas adoré Yuzu il y a quelques années de cela mais il faudra que j’y retourne.
C’était vraiment au tout début.
Bonjour Cécile,
malheureusement, Yuzu c’est fini ! Le chef a pris sa retraite et le propriétaire du restaurant n’avait pas l’intention de continuer sans lui. Peut-être un autre chouette restaurant ouvrira à cet endroit, en attendant il y a toujours Saison et Ma Yucca pour se consoler…
Faux le Yuzu est toujours la ! En tout cas encore pour un bon moment , Et le saison pas pour tres longtemps …
Par contre preparer vos papilles en debut 2014 y aura des nouveaux restaurants japonais qui vont pointer leurs nez a nice 😉 !
Merci Bob, qui est le nouveau chef du Yuzu ? Je connais bien l’ancien propriétaire, j’espère que le nouveau est aussi soucieux de la qualité… Quant au Saison, que se passe-t-il ?
C’est vraiment super beau et appétissant, j’aurais bien aimé gouter tout ça ^^
En Aout 2014 YUZU est il toujours performant ?
Merci.
Désolée Gilbert, Yuzu a fermé, Saison aussi… Les deux meilleurs japonais de Nice n’existent plus. Je vais mettre les articles à jour. Il reste heureusement Ma Yucca…