C’est l’automne. Faisons donc des onigiri de saison. L’onigiri, c’est un en-cas japonais à base de riz. On le trouve surtout sous une forme triangulaire. Le riz est fourré ou mélangé à un ingrédient salé, comme du poisson, des algues ou des oeufs, et souvent servi enveloppé dans une algue nori. Comme c’est l’automne, j’ai utilisé des topinambours, bien que leur origine ne soit pas japonaise du tout.
Ces tubercules, issus d’une plante cousine du tournesol, avec des fleurs jaunes et tout, viennent du nord du continent américain. Leur nom est dérivé de celui d’une tribu d’Indiens d’Amazonie réputée pour son cannibalisme et aujourd’hui presque éteinte, les Tupinamba (ou peuple Tupi), francisé en Topinamboux. Ils ont été présentés au public français en 1613, la belle époque où l’on capturait des « sauvages » pour les planter à Paris à plein hiver sous les regards émus et répugnés des Français, jusqu’à ce qu’ils meurent de froid dans leur pagne. Ah, c’était le bon temps. Les topinambours étant apparus à peu près au même moment en Europe, on a cru qu’ils venaient eux aussi du Brésil, d’où l’amalgame et les noms similaires.
Les topinambours (les racines donc, pas les Indiens) ont été rapportés en France au début du XVIIème siècle par l’explorateur Samuel de Champlain qui a noté qu’ils avaient des arômes proches de l’artichaut. Il avait raison Samuel. Sauf que le topinambour est plus fin, plus subtil. Malgré son apparence rugueuse et pas très appétissante, il se cuisine aussi facilement qu’une patate. Il suffit de le peler et de le blanchir dans de l’eau vinaigrée, et vous pourrez en faire à peu près ce que vous voulez. Soupes, purées, plats mijotés et j’en passe. Il se trouve assez facilement sur les marchés en automne, contrairement aux Topinamboux qui ne seraient plus que 50. Enfin, aux dernières nouvelles.
Pour réaliser ma recette, j’ai appliqué à ma racine un traitement bien japonais. Je l’ai épluchée, blanchie, puis coupée en morceaux d’environ 3x3cm. Je l’ai ensuite faite mijoter dans une sauce sucrée-salée dont voici la recette :
- 6 volumes de dashi
- 1 volume de sake
- 1 volume de mirin
- 1 petite touche de sauce soja
- du sel
Mélangez le dashi, le sake, le mirin dans une casserole. Portez à ébullition. Ajoutez les topinambours. La sauce doit les couvrir à moitié seulement. Ajoutez un trait de sauce soja et une pincée de sel. Portez à ébullition à nouveau. Baissez le feu, couvrez et laissez mijoter 15 à 20 minutes, jusqu’à ce que les topinambours soient fondants. Je les ai ensuite laissés refroidir et reposer dans leur sauce plusieurs heures pour qu’ils se gorgent complètement de ses arômes.
Honnêtement, on peut déjà les manger comme ça si on a la flemme d’aller plus loin dans la recette. C’est délicieux tel quel, avec un peu de riz en accompagnement, ou égoutté puis écrasé en purée, ou bien passé au blender avec la sauce (et un peu de fromage de chèvre frais si vous êtes audacieux, sinon de la crème) pour faire une soupe.
J’ai sorti quelques morceaux que j’ai laisser égoutter sur du papier absorbant. Puis je les ai écrasés avec une fourchette. L’équivalent de deux morceaux sera utilisé en garniture pour chaque onigiri. Venons-en d’ailleurs à cette étape, la plus cruciale. Pour réaliser votre triangle de riz, il vous faut du riz préparé comme pour les sushi. Utilisez-le tiède ou froid, mais surtout pas chaud. Et n’essayez même pas avec du riz préparé la veille ou l’avant-veille, c’est peine perdue. Il vous faut du riz fraîchement cuit.
Deux options s’offrent ensuite à vous : la méthode cellophane et la méthode free style. Si vous choisissez la première option, il vous faut une feuille de cellophane. La technique est assez proche de celle du temari sushi. Sauf qu’il vous faudra plus de riz (environ 3 cuillers à soupe), et que l’ingrédient de votre choix ne surplombera pas le riz. Il sera caché à l’intérieur. Il vous suffit donc de former un monticule de riz sur votre cellophane, dans lequel vous allez former un puits. Dedans, vous déposerez votre purée, puis vous refermerez le puits avec du riz. Refermez ensuite le cellophane et donnez à votre onigiri une forme triangulaire, ou ronde, ou ce que vous voulez.
Si vous optez pour la méthode free style, vous utiliserez seulement vos mains. Rincez-les bien et saupoudrez chacune d’elles d’une pincée de sel. Vous remplirez ensuite l’une de vos paumes de riz, ferez un puits et y déposerez le topinambour, puis formerez l’onigiri directement. Si le riz colle trop à vos doigts, c’est que le cuisson n’était pas parfaite. Préférez alors la méthode cellophane, plus tolérante avec la qualité du riz.
J’ai ensuite parsemé mon onigiri de graines de sésame noir et de sel. Il se déguste tiède ou froid, tel quel. A l’intérieur, le topinambour sucré-salé est très doux. Ne trempez pas votre onigiri dans la sauce soja, qui tuerait les saveurs subtiles du topinambour.
Je l’ai servi avec des fougères, les warabi, que les Japonais font en général mijoter avec de la sauce soja et du sucre. Pour rester dans les saveurs d’automne, j’ai également fait des onigiri à la courge japonaise, dont la recette est ici. Et à la fin de cette recette, pour ceux qui n’arrivent pas à former leur onigiri, je proposerai une alternative à base de topinambour, courge et riz : un chirasi, hyper facile à réaliser.