La fabrique de votre (faux) thon en conserve
Partout en Occident comme en Orient, le thon en conserve est un produit très largement disponible. Mais ce qu’on trouve dans ces boîtes métalliques est assez énigmatique. Les conserves vendues au grand public dans les supermarchés français contiennent généralement de l’albacore ; cependant cette espèce emblématique est loin d’être représentative du marché du thon en boîte.
En effet, ce poisson se fait de plus en plus rare et cher ; ce n’est donc pas la seule espèce utilisée. De plus, les produits vendus aux particuliers ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Les conserves destinées aux professionnels – les restaurateurs, boulangers et autres industriels – qui finissent dans votre assiette de salade niçoise ou votre sandwich ne contiennent souvent pas du tout la même chose.
Il en va de même pour le thon à l’huile ou au naturel vendu dans les enseignes de hard discount, et les salades et autres préparations à base de thon en boîte vendues par les grandes marques.
Faute de thon, on mange des bonites
C’est sur ces conserves-là que j’ai mené mon enquête, à General Santos, la capitale du thon aux Philippines. Là-bas, la crise du thon ne date pas d’hier. Comme je l’explique en détail dans cet article, depuis 1999, les prises n’ont cessé de baisser, tout comme la taille des poissons capturés. Aujourd’hui, après quelques décennies de surpêche seulement, il n’y a plus de thon ou presque dans les eaux philippines. Cette pénurie menace toute l’industrie de la région de General Santos qui repose sur les conserves de poissons et de fruits.
L’usine de la société Ocean Canning se situe à Tambler, près du port de pêche au thon de General Santos, à l’écart du centre-ville. Là, on mettait autrefois en boîte toutes sortes d’espèces aujourd’hui bien trop rares pour finir en conserve. Le thon albacore et le thon obèse, pêchés illégalement dans les eaux indonésiennes, sont vendus frais et expédiés en l’état à l’international ; ce sont aujourd’hui des produits de grande valeur.
Quand on n’a plus de thon, il faut trouver autre chose. L’espèce toute désignée, abondante, peu chère et délicieuse, c’est la bonite à ventre rayé, en latin Katsuwonus pelamis. Ce n’est pas du thon à proprement parler.
Comme le maquereau, elle appartient à la même famille que les thons, les Scombridés, mais pas au même genre. Il ne s’agit en aucun cas d’un « sous-thon » : elle est considérée par beaucoup comme un poisson bien meilleur que l’albacore. Elle est très consommée au Japon, où on la sert principalement en tataki, c’est-à-dire crue, la peau juste saisie, ou séchée et râpée en copeaux, le fameux katsuobushi / 鰹節.
Passer de l’appellation « bonite » à « thon », rien de plus facile
Bonne ou pas, la bonite reste une bonite et non un thon. Sauf qu’au détour d’une nomenclature protéiforme, on lui trouve un autre nom commun : thon listao. Cette autre appellation est la brêche par laquelle les industriels se permettent aujourd’hui de vendre de la bonite pour du thon. Pour le consommateur final, toutes les pistes sont intégralement brouillées.
La chaîne de production qui entraîne cette perte de sens est la suivante : le chalutier pêche des bonites. Elles sont vendues en tant que bonites à l’usine de conserves. Là, elles sont transformées ; les boîtes métalliques qui sortent de l’usine sont vendues à l’international sous l’appellation « thon listao » pour la France, « skipjack tuna », voire parfois « tuna » tout court pour les pays anglophones.
En France, ces conserves-là ne sont pas distribuées par les grandes marques sous leur forme originelle. Elles seront d’abord transformées (sous forme de salade, de préparation pour pâtes etc). Elles sont cependant en rayon dans les enseignes de hard discount, comme Lidl, sous le nom « thon au naturel ». Il faudra fouiller dans la liste des ingrédients pour comprendre qu’il s’agit de thon listao.
Mais surtout, le gros des ventes se fait auprès des professionnels et industriels de l’alimentation, moins préoccupés que les particuliers par les espèces que par les coûts. Une boîte de conserve titrée « thon listao » ferait un drôle d’effet sur une boîte Petit Navire dans un supermarché, tout simplement parce que personne n’a jamais entendu parler de ce poisson. Le consommateur ne serait pas en confiance.
Traçabilité et restauration, une mayonnaise qui ne prend pas
En revanche, cela ne gêne pas les acteurs de la restauration. Ceux-ci serviront la bonite, devenue thon listao, sous la simple appellation « thon ». Les lois françaises sur la traçabilité se heurtent à cette dernière étape, laissant votre boulanger vous servir un sandwich au thon sans préciser de quel thon il s’agit – et ce n’est peut-être même pas du thon – ni d’où il vient.
Les bonites sont aujourd’hui en première ligne suite à la raréfaction du thon. C’est la troisième espèce la plus pêchée au monde après l’anchois et le colin d’Alaska, avec une production globale de plus de 2,6 millions de tonnes en 2011 selon la FAO. En 2006, les chiffres atteignaient 2,8 millions. Une production en baisse dans un marché florissant, c’est le premier signe des conséquences de la surpêche pour cette espèce. La plupart des bonites finiront en boîte, dans l’huile ou la saumure, puis, comme nous venons de le voir, dans la salade niçoise de votre brasserie préférée, dans les plats préparés du supermarché ou dans votre pan bagnat.
Chez Ocean Canning, on peut voir la totalité de la chaîne de production de ces conserves de bonite qui seront finalement vendues en France. Tout commence au port, où l’on décharge les poissons pêchés à la senne du seul chalutier de la région. Les gros thons, quant à eux, sont pêchés à la ligne par des équipes réduites embarquées sur de frêles pirogues à balancier appelées bangka. Très vite, les abondantes bonites défilent sur des tapis roulants, sont empaquetées et acheminées vers l’usine toute proche.
La fabrique de votre (faux) thon en conserve en vidéo
Là, elles sont plongées dans un bain d’eau douce, c’est la phase de nettoyage. Elles sont ensuite disposées sur des plaques de cuisson, encore entières, puis placées dans une étuve où elles seront précuites.
C’est après cette étape que le spectacle devient réellement impressionnant. Les bonites pré-cuites sont transportées jusqu’à la salle suivante, immense, pleine de 600 petites mains qui s’agitent frénétiquement. Grâce aux prises de vue de Quentin Gaudillière, nous avons pu faire un court film des opérations que voici. La vidéo est sans paroles, vous trouverez toutes les explications ci-dessous. N’hésitez pas à la regarder en plein écran grâce à la commande en bas à droite.
Dans un brouhaha assourdissant, les 300 préposés, majoritairement des femmes, s’activent pour préparer les filets, sans gants, avec un simple scalpel. La plupart des opérations sont réalisées à la main uniquement. Si les employés ne portent pas de gants, ce n’est pas par manque d’hygiène ; au contraire, l’usine est intransigeante sur ce point. Toutefois, l’épaisseur de latex, si fine soit-elle, ne permet pas de sentir chaque miette de poisson. Pour un travail de précision, le gant est donc banni.
On commence par arracher les têtes des poissons à la main. Puis le scalpel va servir à peler la bonite rapidement. Le geste est extrêmement précis, il s’agit d’essuyer le moins de pertes possible. On désosse ensuite le poisson, on retire les parties noires de la chair, puis les dernières arêtes, et on sépare les filets. En exécutant ce travail, on recueille deux beaux filets par poisson et une multitude de miettes qui sont soigneusement conservées.
Des « darnes » reconstituées par assemblage
Toute cette chair va être habilement disposée sur un tapis roulant, de manière à former des espèces de darnes reconstituées. Les morceaux de thon que l’on trouve dans chaque boîte sont donc le fruit d’assemblages. Une machine se charge de mettre en boîte ces « darnes » qui ressortent dans des conserves sans couvercle. Comme la technique n’est pas infaillible, il faut ensuite vérifier le poids de ces boîtes. Une autre foule d’employés sont là pour peser, une par une, toutes les conserves, ajoutant ou retirant quelques miettes si nécessaire.
Les boîtes repartent ensuite sur des rails, défilent et sont arrosées de saumure au passage. Comme la technique n’est décidément pas infaillible, un préposé au jus est chargé de rajouter, à la louche, de la saumure dans les boîtes secouées par le transport. Là, une dernière machine pose le couvercle des boîtes en chassant l’air. Elles sont prêtes, il n’y a plus qu’à terminer leur cuisson et assurer leur stérilisation dans d’immenses autoclaves.
On collera ensuite les étiquettes sur les conserves. Ocean Canning vend ses bonites à grand nombre de marques internationales, l’éventail d’étiquettes est donc varié. On retrouve des marques japonaises, hollandaises, espagnoles, anglaises et j’en passe, et deux marques françaises, La Pulpe et Primance. Vous ne les trouverez jamais en magasin ; toutes deux approvisionnent les professionnels de la restauration, qu’il s’agisse de restaurants, boulangeries, cantines etc.
Comme je n’étais pas certaine que La Pulpe se fournisse encore chez Ocean Canning, j’ai voulu vérifier leurs sites de production. Mais sur leur site internet, on ne nomme que de vastes régions et non des endroits précis.
Il y a bien une carte, marquée de quelques points symbolisant les lieux de production, mais ceux-ci ne sont pas nommés. Autre problème, nettement plus embêtant pour localiser Ocean Canning : l’archipel des Philippines, pourtant très grand, ne figure pas sur leur carte du monde.
L’industrie du thon joue sur les mots
Sur les étiquettes de La Pulpe et de Primance, l’ingrédient principal est libellé « thon listao » si on lit les petites lignes. Mais le gros titre qui saute aux yeux, lui, est plus sobre et plus vendeur : « thon au naturel ».
Il n’y a pas de tromperie sur la marchandise à proprement parler, mais l’industrie du thon joue sur les mots. Pas question d’employer le terme « bonite » qui serait plus adéquat, ou du moins plus parlant. Car c’est bien de la bonite qu’on servira au lieu de thon dans bien des cas.
Avant de conclure, il faut dire un mot sur les sous-produits de l’industrie de la bonite en conserve. Les fameuses parties noires de la chair qui sont retirées des filets ne sont pas perdues pour tout le monde.
On les retrouvera dans des boîtes de pâtée pour chien haut de gamme par exemple, comme ici, chez Albertlechien.com. Et ça c’est intéressant. C’est un « aliment naturel » cher, tout simple, tout bon. Des parties propres à la consommation humaine, parce que les bouts noirs, en vrai, ça se mange. Mais ce n’est pas joli.
Alors, naturelle, cette pâtée ? Techniquement, oui, car rien de plus naturel qu’un poisson sauvage. Mais de la même manière que les légumes bio ne sont pas forcément cueillis à la main, mais parfois à l’aide de gros engins qui puent, la bonite 100% naturelle n’est pas forcément pêchée dans l’esprit du développement durable. C’est la grosse industrie – avec ses sennes et chalutiers japonais de 72ème main – qui fournit les fabricants de ces aliments pour animaux paraissant pourtant « green » à première vue.
Pour terminer sur une note désolante, mais fascinante, voici un film promotionnel de l’entreprise américaine Del Monte sur sa production de thon conserve, réalisé dans les années 30. Si les procédés et les machines sont très exactement les mêmes qu’aujourd’hui – c’en est ahurissant, près d’un siècle plus tard – l’espèce mise en boîte est un thon véritable, l’albacore.
Avant même de pénétrer dans l’usine, la vraie surprise de ce film, c’est la pêche au thon en elle-même. C’est ce type d’archives qui permet de rendre compte des dégâts de la surpêche : il y a 80 ans, on attrapait les thons avec une facilité déconcertante. Un poisson par pêcheur est remonté toutes les 5 secondes en moyenne. C’est complètement fou. Je vous laisse sur cet incroyable spectacle.
Merci pour ce très bon article.
On nous mentirait ?? Bon, vu les scandales de l’industrie agroalimentaire même en Europe sur la viande, on se doute que tout est loin d’être clean et l’origine parfois incertaine. Du coup je ne suis pas vraiment surpris.
Je n’aime pas le thon du coup je ne peux pas m’en rendre compte mais est ce qu’au goût on peut faire la différence ?
Oui, ça a bien un goût différent mais on peut tout à fait penser que ce n’est qu’une question de qualité si on n’est pas bien renseigné… La saveur de la bonite n’est pas forcément identifiable pour le commun des mortels, car nous n’en mangeons pas beaucoup en France (du moins pas en connaissance de cause). La grosse différence, c’est la texture, plus souple, plus tendre, et la couleur, plus rosée.
Quelle marque et dans quel magasin trouve t on la bonite?
Merci….
Bonjour Christine,
je n’ai pas fait d’inventaire complet, il suffit de lire les étiquettes et chacun pourra s’en rendre compte. S’il est inscrit « thon listao » ou « katsuwonus pelamis », vous saurez qu’il s’agit de bonite et non de thon albacore. On trouve la bonite en général dans les conserves des marques les moins chères (chez Lidl, la marque Carrefour, DIA, etc). Pourtant ce poisson est loin d’être mauvais (il est même délicieux), mais il est moins cher, donc vendu « au rabais ».
Bonjour
Les noms latins figurent sur les etiquettes des produits surgeles ainsi que la technique et la zone de peche c est le reglement
Votre poissonnier peut dire des betises, personne ne le sanctionnera A l’inverse un distributeur comme picard respecte a la lettre toutes les reglementations sinon les inspecteurs ne les ratent pas ….. Les apprioris gratuits sur les industriels sont faciles mais les profesionnels ne sont pas tous mal intentionnes
Bonjour Jean,
Oui, les noms latins figurent bien sur les étiquettes, mais le grand public ne sait généralement pas du tout à quoi ils correspondent… Je le précise une fois encore : je ne crois pas qu’il y ait de malice de la part des industriels ni de danger à manger ces poissons, il faut simplement connaître assez bien les espèces pour savoir ce que l’on achète et ce que l’on mange, et ce n’est souvent pas le cas de la plupart des consommateurs. Cet article vise plus à informer et éduquer les consommateurs à la lecture des étiquettes qu’à dénoncer une pratique abusive.
Bien dit! En plus il est plus important de raisonner en termes de Danger-risque; si le danger est maitrisé, le risque est probablement nul. voila ce qui est important!
Du point de vue qualité nutritionnelle la bonite ou thon listao n’en manque pas!
Systeme U et intermarché.
Greenpeace a l’air content: http://www.leparisien.fr/societe/greenpeace-epingle-les-marques-de-thon-en-boite-24-09-2014-4161299.php
Thon listao en boîte chez carrefour en pris éco+…..
Le nom de bonite ne veux rien dire vous pouvez aller dans tout les pays du monde tout les petits thons sont appelé bonites Les 3 races de thon misent en boite depuis des dizaines d’années sont : l’albacore ou yellow fin en anglais , le thon blanc , et le listaos skip jack en anglais ces 3 sortes de thons sont mise en boite depuis tjrs il n’ya pas d’arnaque
passionnant, merci 🙂
Ravie que ça t’ait plu – enfin, plu n’est sûrement pas le mot idéal 🙂
Je connaissais la seconde vidéo (il n’y a plus que moi qui pêche aussi vite désormais), il existe les mêmes tournées sur les bancs de morue de Terre-Neuve. La fréquence des prises n’est pas surprenante quand on est sur un gros banc, et qu’on amorce bien ; le problème est plutôt le nombre croissant de bateaux et l’absence de trêve en période de frai. Et par ailleurs, si on avait continué à pêcher le thon à la ligne et non pas avec d’énormes radeaux piégeurs et des sennes gigantesque, l’espèce serait encore au mieux de sa forme.
Les prix de tous les thons, y compris de la cousine bonite, ont explosé en 2012, genre de +30 à +50%, signe que la rareté s’installe. On a par contre des nouvelles encourageantes des stocks de thon rouge de Méditerranée, espérons…
C’est très difficile de se repérer sur les noms de poisson, d’autant que les pêcheurs industriels ne se gênent pas pour en changer pour doper les ventes. Ainsi l’hoplosthète dont le nom inquiétait a vite été remplacé par « empereur » ; pour faire le pendant au « grenadier » (dont le nom initial « queue de rat » faisait tâche sur les étals…).
Ce sont parfois les noms locaux qui divergent pour le même poisson, je suis en plein travail sur merlu et le colin, la nomenclature vernaculaire est un vrai foutoir. Je plaide comme quelques autres pour que les noms latins soient mentionnés sur les étiquettes. Car par exemple écrire « bonite » ne suffirait pas, il y a des tas de bonites différentes…
Bon, je suis facilement intarissable sur le sujet, bravo pour votre vidéo de la conserverie, elle est très pro !
Sur les marchés en Italie, j’ai remarqué qu’ils indiquaient toujours les noms communs et latins… Ah, ils sont bien ces petits. Ils te mettent le code FAO, la zone de pêche précise et tout. C’est très très bien.
Pour le merlu et le colin, il doit y avoir des tonnes et des tonnes, des noms, surnoms, et autres appellations… J’espère que tu vas en faire un billet, je suis emballée.
Si tout va bien, il y en aura deux, un gentil avec les sanguins, et un méchant avec les arêtes.
Moi aussi je veux les noms en latin !! ouais !
Etrangement, ils les donnent… chez Lidl. Certainement parce que c’est le meilleur moyen de mettre d’accord tous les pays d’Europe où ils sont implantés. Mais évidemment, il faut bien chercher dans les petites lignes. En tous cas, c’est écrit, c’est déjà ça !
Bonjour,
Je suis tout à fait d’accord avec votre analyse sur les noms de poissons. Ainsi par exemple, Picard commercialise un « merlu blanc du Cap » que je trouve très bon. Or, mon poissonnier m’a affirmé que merlu et colin sont synonymes. Pourtant, le merlu blanc du Cap de Picard ne ressemble pas du tout au colin du même Picard. S’agissant du colin, Picard vend deux sortes de colins: du « colin d’Alaska » et du « colin lieu »…. Il y a de quoi perdre son latin, si seulement le nom latin était inscrit sur l’étiquette…
Bénédicte
Bonjour Bénédicte,
Vous avez raison, il est extrêmement difficile de s’y retrouver pour le consommateur, même s’il est vigilant et bien renseigné. Justement, mon ami Patrick Cadour prépare en ce moment un billet sur tous les noms du merlu (et toutes les espèces confondues), affaire à suivre sur son blog génial Cuisine de la Mer !
Des reportages comme ça, on en veut plein d’autres 😉 Bravo pour ce travail de fond qui met la lumière (encore) sur les dérives de l’industrie agro-alimentaire. Lire les étiquettes, consommer local, s’informer, voilà quelques clés pour consommer plus sereinement, mais est-ce qu’à terme, cela suffira ?
Merci Linda, j’adore aller sur le terrain comme ça, c’est de loin ce que je préfère ! D’ailleurs, les affaires reprennent bientôt : retour au Japon dans 1 mois, pour 6 mois !
Bon, et puis malheureusement, je ne suis que journaliste, donc je peux enquêter sur des trucs pas clairs et relayer les infos, mais de là à préconiser des solutions saines alternatives, on sort de mon coeur de métier… Bref, je n’ai aucune solution miracle à proposer. A part repeupler les campagnes, arrêter de faire autant de marmots, manger peu et cultiver ses propres légumes, sans engrais, sans labours etc… Bref, la vraie décroissance, mais trop peu de gens accepteraient de suivre. Parce que fondamentalement, la planète va mal, on en parle, mais on s’en fout.
Mettre la lumière sur le faux-thon, c’est un minimum 🙂
Trés bel article en tout cas.
Superbe reportage très intéressant. Mais alors quels poissons consommer si l’on habite loin de la mer? Ne plus en manger du tout et consommer local comme le suggère Lilo c’est à dire se tourner vers la viande élevée dans notre région? Des oeufs mais qui ne sont jamais locaux? Comment faire pour manger responsable?
Très cordialement.
C’est toujours délicat de répondre à ce genre de questions ; en l’occurrence, je ne dis pas que les bonites sont mauvaises et qu’il ne faut pas les manger (j’adore la bonite !), j’explique un stratagème commercial qui consiste à substituer un produit à un autre à l’insu du consommateur final. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas manger ces conserves. Mais c’est bien de les manger en connaissance de cause.
Il n’y a pas vraiment un poisson en particulier à recommander aux gens qui vivent loin de la mer – ni près d’elle d’ailleurs – toutes les espèces ont leurs problèmes, d’une certaine manière. Il y aura toujours des questions éthiques, sanitaires et autres à se poser pour chaque poisson, au cas par cas, selon la manière dont il a été élevé ou capturé, la zone de pêche etc. C’est primordial de vérifier ces informations-là. Près de la mer, l’avantage est que l’on peut trouver des producteurs locaux ; loin de la mer, ça devient très compliqué d’être un grand fan de poissons.
Si j’en crois mon ami Patrick Cadour, grand spécialiste de la question qui pourrait vous répondre bien mieux que moi, les espèces qui s’en sortent le mieux aujourd’hui sont les céphalopodes : pieuvres, calmars, seiches.. Mais de là à dire qu’elle voyagent bien, et qu’elles sont trouvables très fraîches loin de la mer, c’est un autre problème. En tous cas, une chose est sûre, il ne faut pas acheter son poisson au supermarché, c’est la pêche industrielle qui vide les océans. Quant à votre poissonnier, s’il vend du requin ha, de la perche du Nil ou d’autres trucs du genre, vous pouvez lui dire adieu, ce sera le signe qu’il n’a aucune éthique.
Est-ce que c’est pareil pour nous au Canada?
Et les crevettes asiatiques/chinoises qu’on mange ici au Canada est-ce vrai qu’elles sont nourries de heu…pardon mais on dit nourries par n’importe quoi…de merde…peut-etre ce sont celles d elevage
En effet, les crevettes posent des questions très différentes car il s’agit d’élevage. On va chercher les bonites dans l’océan, on ne les nourrit absolument pas. Pour ce qui est des crevettes asiatiques (lesquelles ? les blanches, les tigrées, d’autres ?), en règle générale, leurs élevages sont considérés comme hyper crado. Crado en eux-mêmes, et crado pour l’environnement. D’après ce que j’ai pu voir aux Philippines, on ne nourrit pas ces crevettes d’élevage avec du vrai caca, mais avec des trucs pas terribles, type farines animales et compagnie, c’est pas joli-joli.
Pour ce qui est des bonites, je ne connais pas bien les marques de thon en boîte au Canada, mais ce ne serait pas surprenant qu’on retrouve le même genre d’histoires. D’autant plus qu’une grande partie des exportations philippines partent vers votre pays (vous avez d’étroits liens commerciaux). Il est très probable qu’Ocean Canning – ou d’autres – vendent leurs produits chez vous via telle ou telle marque. À creuser sur place, donc, et si vous trouvez les infos, je serais curieuse de savoir…
Y’a absolument rien d’étonnant là-dedans. Il faut arrêter de faire l’autruche et d’être surpris par ce genre de pratique… avec tous les problèmes de surconsommation, ils doivent trouver des alternatives. Les achats responsables resteront toujours la meilleure solution. C’est au consommateur de se conscientiser et de changer son mode d’achat !
Je suis bien d’accord, la vigilance est primordiale au niveau individuel. Si les grandes idées du « manger responsable » ont fini par être assimilées par beaucoup de gens, très peu d’entre eux les appliquent réellement. Je ne jette pas la pierre en disant ça, mais je me demande : est-ce par flemme, manque de curiosité, confiance aveugle en certaines marques ? Ou illusion qu’on peut manger durable n’importe où, sans faire de concessions ?
En effet « manger responsable » comme vous le dites est intégré mais pour le pratiquer au quotidien je trouve que ce n’est pas toujours simple! Est-ce que le logo MSC Péche durable noté sur les boites de colin que je trouve chez Picard pour ne pas le citer est moins pire que les autres formes de pêche ou est-ce pareil?
En Espagne ne trouvant pas grand chose dans les terres où je me trouvais loin de la mer j’ai acheté justement des boîtes de thon notées albacore. Est-ce de la bonite selon vous?
Est le thon blanc germon et de petite ligne notés sur les boites « connetable » est-ce du thon?
Quand vous dites que vous aimez la bonite j’aimerai savoir si vous la consommez seulement dans le pays d’origine ou si en France, Nice, Paris etc.. il vous arrive d’aller au supermarché du coin en acheter une boite?
Je serai très intéressé de lire le compte rendu de votre ami Patick Cadour lorsqu’il aura terminé ses recherches sur le merlu, colin.
Très cordialement et très bonne journée.
Le thon germon est une espèce à part entière (aussi nommé thon blanc par les industriels de l’agro-alimentaire et Thunnus alalunga par les scientifiques) ; la moindre recherche Google vous aurait rassuré.
Vous avez l’air de couver un drôle de sentiment de culpabilité quant à la provenance des aliments, etc. Les boîtes de conserve (au même titre que le poisson séché ou que les salaisons) sont justement un moyen de s’affranchir des limites géographiques imposées de facto au poisson frais, de façon à ce que quelqu’un habitant à Salzbourg, Bangui ou Ulan Bator puisse y avoir accès (et conserver des mois voire des années ce produit). Quant à ce que les boîtes contiennent, il suffit dans la plupart des pays (dont le nôtre, nous avons cette chance) de lire l’étiquette. Le mieux comme le signalait Patrick Cadour serait bien évidemment d’avoir également les noms en latin, et la garantie que les industriels n’ont eu recours qu’à cette espèce (moins évident).
Enfin, sachez que la bonite à dos rayé se pêche dans les eaux françaises (Atlantique et Méditerranée) ; il s’agit donc d’un poisson local. Excellent d’ailleurs je trouve.
Oui oui oui, la bonite se trouve en Méditerranée, et c’est l’un de mes poissons préférés. C’est d’un fondant magnifique. Excellent poisson !
Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai mangé de la bonite à « l’océan », à Saint Jean de Luz. A la question, « c’est quoi la bonite ? », le serveur a répondu « un petit thon »…
C’est bien plus tendre que le thon, en effet, même si, dans l’assiette, ça y ressemble fort. Très savoureux, en tous cas !
Je crois que je vais avoir du mal à ouvrir une boite de thon (déjà ça avait tendance à m’écoeurer) sans penser à votre article sur la bonite et celui sur les boites d’aliments pour chiens.
Suite à la réponse très juste que vous avez faites à Linda, en effet que faire, vivre comme aux siècles derniers, manger peu et surtout quoi, ne plus faire d’enfants, cultiver ses lègumes pour ma part dans ma jardinière sur mon balcon en ville!!! Superbe perspective d’avenir.
Quelle drôle d’idée. La bonite est un très bon poisson, et il me semble que Camille dénonçait bien plus une supercherie qu’un phénomène de malbouffe.
Et bien évidemment, une industrie comme celle-ci produit des déchets. Le fait qu’ils soient réutilisés et valorisés est tout à leur honneur.
Ceci dit, Linda a raison de préconiser le retour au potager 😉
Merci Quentin, c’est à peu près exactement ce que j’aurais répondu (en fait c’est ce que j’ai déjà répondu deux commentaires plus haut), la bonite n’est pas du tout un mauvais poisson ! Mais l’industrie la fait passer pour ce qu’elle n’est pas. C’est ça le problème. Toutefois les conditions de fabrication de ces boîtes (hygiène, qualité des produits etc) sont irréprochables. Je n’ai jamais dit qu’il ne fallait pas les manger. Je précise simplement quelle espèce a été mise en boîte, car ce n’est pas clair pour le consommateur final.
Et oui, la valorisation des déchets, c’est très bien. La pâtée pour chien « naturelle », c’est un peu une blague, mais ne pas gaspiller, c’est une bonne chose.
Camille, quand vous citez que les légumes bio sont parfois ramassés par des énormes machines qui puent avez-vous déjà visiter une usine de ce type pour le bio et si oui à quand un article?
Encore une fois faut-il mieux des légumes bio en magasin ou des légumes du marché dont l’agriculteur aura peut être mis de l’engrais? On ne sait plus trop.
Valérie, je ne sais pas trop si j’aurai l’occasion de faire un papier sur le sujet, mais les légumes bio sont certifiés. On peut faire confiance. Je disais simplement que ce n’est pas parce que c’est bio que les moyens de récolte et de production sont artisanaux.
Et je suis flattée que vous accordiez tant d’importance à ce que j’écris, mais je n’ai pas réponse à tout. Et mes opinions ne sont en aucun cas des préceptes de vie à suivre… Vous devriez voir mon bilan carbone, avec tous les avions que je prends chaque année, c’est loin d’être reluisant.
Pour enquêter sur tel ou tel sujet, pour former mon opinion, je lis beaucoup, avant même de visiter des lieux de production, et cela suffit souvent à se faire sa propre idée. Si vous êtes inquiète (ce que je comprends, les media sont souvent alarmistes), n’ayez pas peur, renseignez-vous à la source (au magasin, sur internet – les sites de la FAO, du ministère de l’agriculture etc sont géniaux), manger responsable c’est compliqué et personne ne fait de sans faute. Et ce n’est pas forcément grave. Ce n’est pas une question de vie ou de mort à chaque repas.
Ce qui est important, c’est de trouver des produits qui vous plaisent et qui, en faisant vos petites recherches (en interrogeant les producteurs directement, les mieux placés pour répondre, bien mieux que moi), vous semblent comestibles d’un point de vue éthique. C’est votre opinion finale qui compte, pas la mienne. Je n’ai en aucun cas le droit et la légitimité de dire à qui que ce soit ce qu’il doit manger.
Ne vous angoissez pas, prenez le temps de lire les étiquettes, de parler avec les paysans du marché, de trouver les aliments qui vous conviennent à vous, intimement, du point de vue du goût, du point de vue de vos convictions. Alors oui, assez globalement, le monde ne va pas très bien, mais heureusement on peut encore manger sans tout mettre en péril. Et pour clore cette histoire de retour aux sources, je crois sincèrement qu’il n’y a qu’une vraie décroissance qui pourrait changer les choses durablement, mais c’est de l’ordre de l’utopie. Ça n’arrivera pas.
Ne faite pas tant confiance aux certification AB,essayé plutot de demander ce qu’il faut pour obtenir la certification,il vous diront le montant du chèque à leur faire parvenir le controle viendra beaucoup plus tard.Un ami a eu son premier controle 3 ans après ,il aurait pu vendre n’importe quoi durant ce temps certains gros producteurs se servent du vent pour traiter sans traces de machinisme ,le manque de sérieux des certificateurs est vraiment à surveiller !!!
Bonjour Camille,
J’ai lu avec beaucoup de curiosité votre reportage, car j’ai travaillé dans une Société, Multi Transpêche Indonesia ,créée en 1982 dont l’objet était la pêche au thon associée à une conserverie sur l’Ile de Biak, en bordure de la Nouvelle Guinée Papouasie, dans la province d’Iran Jaya (Indonesia).
http://www.cfa.com.sg/index-2_tuna.html
L’Ile de Biak est un plateau corallien qui a émergé à la suite d’une baisse de niveau de l’Océan Pacifique. Elle est située à 3500 Km de Jakarta et à environ 4000Km de Singapour. Cette ile n’existe qu’en raison de la présence d’une base militaire( navale et aérienne ) et d’un aéroport qui fut très important au cours de la 2ème guerre mondiale.
Ce fut une très belle aventure, interrompue sous la pression de Groupes Bancaires français, qui ont refusé de rééchelonner des crédits permettant d’une part la continuation de l’exploitation, et d’autre part l’achat de nouveaux bateaux « senneurs », destinés à évoluer dans toute la zone de pêche du Pacifique Sud-Ouest , plus grande réserve de thonidés au monde.
Bonjour Eliane,
Je ne me doutais pas du tout que vous aviez travaillé dans ce secteur, c’est passionnant ! Nous avons justement beaucoup parlé de la Papouasie (indonésienne et indépendante) avec le PDG d’Ocean Canning, qui nous expliquait que l’endroit devenait actuellement le nouvel el dorado du thon.
A quelle époque la société qui vous employait a-t-elle tiré sa révérence ? Il semblerait qu’aujourd’hui, face à la raréfaction du thon, la Papouasie soit en plein boom ; les conserveries se multiplient, mais n’embauchent pas les locaux. La main d’oeuvre est principalement philippine, parfois vietnamienne. Les investissements ne sont pas français, mais presque tous asiatiques.
Belle intimité avec les produits éloignés que nous sommes amenés à ingérer de manière « inconsciente » parfois. Quand on parle d’élargir la conscience au sens spirituel du terme et que l’on mange des animaux et des plantes dont on ne sait ni la provenance ni la véritable forme, on a une clé supplémentaire de la perte du sens que nous vivons actuellement. Il est certain que votre travail participe à redonner du sens à nos vies, à élargir notre conscience pour faire des choix plus en adéquation avec nos opinions. Merci Camille.
Merci à vous, vos mots très justes me vont droit au coeur.
La société dans laquelle je menais des missions d’audit a du déposer son bilan en 1990 . la conserverie créée sur l’Ile de Biak avait le mérite de recruter du personnel local, essentiellement féminin , ce qui a conduit pendant une période très brève à élever le niveau de vie de ces populations déshéritées vivant traditionnellement de pêche locale. La fermeture de la base de Biak a malheureusement mis un terme à cette évolution positive.
Je suis très heureuse d’apprendre sous votre belle plume que la Nouvelle Guinée Papouasie développe son potentiel dans le secteur de la pêche au thon . Et encore merci à vous et à votre ami photographe de nous faire partager vos reportages asiatiques sur ce magnifique blog.
Bonjour Eliane, et merci de ces compliments sur mes images. Il se trouve qu’il y a deux ans, j’étais sur l’île de Yapen, à quelques kilomètres au sud de Biak ; je vois donc assez bien à quoi ressemble cet endroit.
Depuis les années 80, la Papouasie s’est pas mal développée, mais ce sont surtout des Indonésien fraîchement arrivés d’autres îles comme Java, Sumatra etc qui en profitent (la politique de la transmigrasi). Du coup, les populations locales papoues sont toujours aussi déshéritées, et le sentiment de frustration grandit. Les investisseurs font bien plus confiance aux immigrants qu’aux papous, et comme le disait Camille, il semble que ce soit la même chose du côté Papouasie Nouvelle Guinée, où la main d’oeuvre est importée des Philippines (pour les usines dont nous avons entendu parler).
Bref, ces régions se développent, mais de façon assez discutable (d’où les émeutes indépendantistes en Papouasie qui sont récurrentes depuis ces 20 ou 30 dernières années).
De la bonite, j’en achète au port de Capbreton, à 6 euros le kilo. C’est un bon poisson, et pas cher du tout. La bonite de Capbreton est pêchée juste à côté, dans les eaux profondes de l’océan.
Quand je vais au pays basque sud, du coté d’Ondarroa, un célèbre port de pêche à l’anchois, j’achète des boites qui s’appelle Bonito Del Norte, de la marque Ortiz .Sur le site de la conserverie Ortiz, ils disent qu’il s’agit de « Thon germon pêché à la canne ». Et ces boites coutent cher, au moins le double que les autres.
Ton article est passionnant et très instructif. Bravo !
Bravo et merci : fort instructif !
Bonjour Quentin,
Vos images sont très belles et je vous en félicite.
Les investisseurs que vous évoquez préfèrent une main d’œuvre immigrée ,car il faut « former » les papous et cela demande un peu de temps et d’attention. J’ai en effet le souvenir d’une population très conciliante et prête à apprendre les bases du travail tel que défini dans nos civilisations. Mais les chefs d’entreprise en Asie du Sud Est sont des individus devenant aussi pressés que les Occidentaux, et visent le profit à court terme, au détriment du développement harmonieux de ce type de population vivant encore de pêche et de chasse, conduisant aux émeutes récurrentes que vous évoquez.
Bien à vous,
J’avais gardé cet article sous le coude pour un moment où j’aurais le temps de le lire. Je l’ai trouvé et j’en suis heureux car il est formidable. Super reportage, superbes photos et super conclusion : passionnant de bout en bout ! La bonite c’est bon mais ca ne vaut pas un thon rouge mangé cru après avoir bataillé pendant 30 min pour le sortir de l’eau. (A croire que je n’ai pas le coup de main des pecheurs de DelMonte !). Bisous à vous 2. Et surtout, surtout, continuez ce que vous faites, c’est vital !
Super article! Je ne mange pas souvent du thon et si c’est de la bonnite, je peux vous dire que ça n’empêche nullement l’augmentation du prix! Est ce inscrit même en tout petit sur les boîtes? Ptg sur fb
Pas toujours, justement… Parfois le nom latin est indiqué, mais il faut lire les petites lignes discrètes au bas des étiquettes.
Bonjour,
merci pour cet article auquel nous adhérons pleinement.
Cordialement.
Dan
Bonjour,
Avant tout, merci pour ces images d’une conserverie, c’est toujours intéressant de voir comment est produit ce qu’on mange régulièrement, et l’ensemble du secteur agro-alimentaire aurait bien besoin d’un peu plus de transparence!
Je vais sans doute me faire l’avocat du diable à vos yeux, mais j’aimerais apporter quelques précisions à cet article. Tout d’abord, la différence thon / bonite est vraiment subtile, il s’agit comme vous l’indiquez de la même famille (bien que pas du même genre), et le « thon » regroupe pas mal d’espèces différentes et plusieurs genres différents (par exemple le thon tropical, Euthynnus spp). Le listao s’appelle Skypjack Tuna en anglais, on peut donc dire qu’il ne s’agit pas de « publicité mensongère » pour un anglophone, pourquoi serait-ce le cas pour un francophone? En France nous sommes champions pour donner des noms différents aux poissons d’une même espèce ; peut-on parler de supercherie en vendant du bar sous le nom de « loup »? Certains pêcheurs parlent de bonites quand ils attrapent des thons de petite taille, ou de lisettes quand ils attrapent des petits maquereaux, le « veau de mer » peut correspondre à une douzaine d’espèces de requins, la « roussette » à deux espèces, le « colin » à trois espèces au moins.
D’autre part, je ne vois vraiment pas en quoi les conclusions de cet article sont désolantes. L’albacore est considéré comme « presque menacé » par l’UICN, le listao est lui considéré en « préoccupation mineure ». La CTOI estime que cette espèce est pêchée en dessous de son seuil maximal durable, ce remplacement est donc plutôt une bonne chose.
Votre article est très intéressant, très bien écrit et très bien illustré. Mais je trouve dommage qu’il montre ces produits sous une note négative qui peut dégoûter certains consommateurs (il suffit de lire certains commentaires) alors que globalement il s’agit d’une des espèces les moins menacées de notre consommation courante. C’est certes une pêche industrielle, avec de gros navires qui consomment beaucoup de carburant, avec de la main d’oeuvre pas chère tout au long de la ligne de production, mais ça reste moins dangereux pour les écosystèmes que de manger de l’anguille (et oui!) ou du mérou de Méditerranée.
Par contre, il aurait peut être été intéressant de souligner que le même produit (exactement les mêmes boites) reçoivent un paquet d’étiquettes différentes. Dans le cas de cette usine, on ne retrouve pas les produits dans nos supermarchés. Mais que vous achetiez du thon Saupiquet, Petit Navire ou premier prix, la plupart du temps la différence de prix ne joue que sur l’étiquette…
Très cordialement,
Paul
Bonjour Paul,
je suis d’accord avec vous, et je le précise dans l’article, la bonite n’est pas un mauvais poisson. C’est délicieux. Je ne reproche pas à l’industrie de la conserve d’utiliser ce poisson excellent et (encore) abondant, je lui reproche de jouer sur les mots. Alors oui, en anglais on appelle la bonite skipjack tuna, mais on l’appelle aussi bonito. Ce n’est pas de la publicité mensongère comme je l’écris dans le billet mais une petite tricherie, car un Français, en lisant « thon », pense immédiatement au thon albacore.
En outre, ce qui est désolant, ce n’est pas de manger de la bonite. C’est la surpêche en elle-même, car le thon albacore, qui abondait autrefois aux Philippines, y est aujourd’hui introuvable. On doit à présent le pêcher illégalement dans les eaux indonésiennes. La bonite, qui est quant à elle pêchée à la senne, finira rapidement par manquer dans cette région du monde elle aussi si le rythme des prises n’est pas ralenti.
Les lecteurs n’ont pas forcément compris ce billet et sont partis au quart de tour dans le registre du scandale alimentaire, alors que ce n’est pas mon propos. Ce que je préconise, c’est de bien lire les étiquettes des boîtes de conserve pour comprendre ce qu’on y met, car beaucoup de consommateurs français ne font pas la différence entre le thon albacore et la bonite, ne sont pas au courant de ce qu’ils mangent et ne comprennent pas que ce qui justifie des tarifs moins élevés, c’est justement le fait que l’on utilise des espèces distinctes, dont la valeur marchande est très différente.
Il n’y a là cependant aucun risque pour la santé ni aucun scandale alimentaire à proprement parler. Simplement un manque d’information de la part des industriels et un manque de curiosité de la part des consommateurs finaux.
Bonjour Camille,
Je viens de découvrir votre blog et le trouve vraiment riche et très intéressant et documenté. Merci.
Du coup, j’ai pris connaissance un peu tardivement de votre article très intéressant, tant sur son contenu, que sur les réactions diverses qu’il suscite.
Je voulais simplement attirer l’attention sur le fait que les usages (définis notamment dans le Codex Alimentarius STAN 70) et la réglementation (Réglement CEE 1536/92) définissent très clairement les règles d’appellation des conserves de « thon » et de « bonite ». Les industriels et les distributeurs ne font que suivre la loi.
Les questions qui peuvent alors se poser, sont les suivantes:
– qui fait la loi?
– quelle est la part du lobbying, notamment des industriels, mais également de grands organismes tels que le WWF, dans sa rédaction? (pourquoi Katsuwonus pelamis a le droit à l’appelation thon et pas la famille Sarda?)
– si seules les espèces de la famille Thunnus avaient le droit légal à l’appellation thon, resterait il encore un seul poisson de cette famille dans les océan?
– alors même que » Katsuwonus pelamis » n’est pas en grave danger, lui autoriser l’appellation thon ne permet il pas de continuer à nourrir, à pas cher, tous les consommateurs qui trouvent que tout est toujours trop cher?
Voilà, j’ai simplement souhaité apporter un petit complément d’information, qui sans rien résoudre, pose de nouvelles questions bien plus larges que le seul sujet du thon: au fond, quel prix sommes nous prêt à payer pour nous nourrir durablement?
Bien Cordialement,
Sébastien
Merci Camille pour cet excellent article, ainsi que le vidéo de la conserverie, vraiment excellent !
Si je comprends bien, nous mangeons des miettes transformées en darnes et mises en boîtes ; et les filets ? ils en font quoi de ces beaux filets ?
Au Vietnam, dans les années 60, nous avions beaucoup de petits « thons » rouges ; je ne sais pas si c’est ça la bonite ; je me souviens que je détestais ça petite, car la chair est trop « sèche » ! je préfère mille fois les maquereaux…
Bonsoir My,
Merci pour ces compliments et pour vos commentaires très instructifs, je vois que vous en semez un peu partout sur le site, c’est un vrai plaisir !
En fait les filets sont tranchés, et on cale des bouts de tranches – ou de darnes si vous préférez – dans les boîtes. Pour remplir les boîtes idéalement et de manière égale, on doit faire des assemblages, car les filets n’ont pas du tout le même volume de la tête à la queue, et toutes les darnes ou tranches ne se valent donc pas. Puis on comble les trous avec des miettes. C’est cela qui est appelé « thon entier ». En fait c’est du thon assemblé. Exactement comme le jambon industriel.
Quant à ce qu’on appelle « miettes de thon », là, pas de secret, ce sont vraiment des « chutes » et rien de plus 🙂
Chapeau ! Sacré boulot de journaliste.
Dans un registre différent, je vous invite à découvrir ce documentaire sur SlowFood Islande.
On y découvre entre autre que le véritable Skyr (sorte de fromage frais local) n’est pas nécessairement celui dont certains font la promotion.
http://www.vivreenislande.fr/2012/07/slow-food-islande.html
Merci ! Vous tombez bien, j’ai habité en Islande, ça me parle…
Bonjour et merci pour cet article. Très intéressant.
Merci beaucoup pour cet article trés complet et vraiment agréable à lire! Je viens de découvrir ce blog et je ne suis pas déçue! une vrai réussite!
Merci Stéphanie pour ces compliments qui me vont droit au coeur ! Belle journée et bonne lecture !
Bonjour,
Je cherchais justement des informations sur le « thon en boite », tenter d’en savoir plus pour comprendre les différences de qualités et de prix
Après un rapide coup d’œil sur les étiquettes, d’après votre travail, le plutôt blanc, serait albacore, et le plutôt rose, serait bonite
C’est vrai que la moindre des choses, serait d’annoncer clairement le genre dans la liste des ingrédients
Quand la transparence sera de mise, on pourra évoquer le « choix du consommateur » plutôt que « l’arnaque de la filière » »
Si encore, la bonite était mauvaise…
Mais non!
Juste différente
Merci d’avoir levé un coin du voile!
Pour préserver l’espèce faire comme moi boycotter le thon. A quand un reportage sur l’élevage du saumon en norgeve c’est terrible il utilise des pesticides. Bravo pour votre reportage
Nixe , boite de thon avec un logo dolphin safe , type de poisson : katsuwonus pelamis (bonite) , pêché dans le pacifique , produit en Equateur.
qu’en pensez-vous ?
Je cherchais un article sur le thon en conserve… Et je retombe sur lemanger.fr ! Décidement, il y a tout ici.
Excellent article, c’est dommage de voir de la surpêche et que personne n’en ait rien à faire (ou ne puisse rien faire face aux lobbies industriels).
Très bon article je savais que lorqu’il y avait marqué thon tout simplement ce n’était pas de l’albacore mais je ne savais pas que c’était de la bonite et en faisant des recherches en parallèle, j’ai vu que certains grossistes de l’agro alimentaire l’appelait le faux thon bref je suis tombée sur votre article et je découvre votre site « une mine d’or » j’ai apprécié aussi l’article sur la noix de coco du coup je le dis 😉 Bravo pour votre travail de journaliste sur le terrain c’est super.
Bonjour,
Je viens de découvrir votre article que j’apprécie beaucoup. Tout comme vos réponses tout le long de ce blog.
La surpêche est le principal responsable de la ruine de nos océans que viendront parachever le réchauffement climatique et la pollution. Ce travail de journalisme est fondamental pour alerter la multitude des consommateurs que nous sommes.
J’ai toutefois une remarque à faire sous forme de regret : le thon a attiré l’attention efficace des lanceurs d’alerte et le travail suivi d’effet d’ONG internationales parce que les stocks sont partout menacés dans le monde. A juste titre, Il continue à bénéficier de ce travail d’information indispensable puisqu’il représente une ressource alimentaire d’une très grande importance dans le monde.
Mais les thons, les baleines, les éléphants d’Afrique et autres bébés phoques ne doivent pas faire oublier que le problème des prélèvements excessifs est le même partout, y compris chez nous et sous nos yeux.
Depuis quelques décennies, le bar dicentrarchus labrax est devenu une espèce commerciale montée au pinacle par les réseaux chargés de sa commercialisation et aussi par des chefs cuisiniers médiatisés. Le bar malheureusement pour lui devient comme le thon un must et son prix de vente atteint en saison touristique plusieurs dizaines d’euros. A Nice, ce mois de mai 2016, des bars immatures d’une taille ridicule ont été proposés 58 € le kilo. Ce poisson a en effet quasiment disparu en Méditerranée, et il est en train de pendre le même chemin en Atlantique. En Atlantique Nord, l’UE commence à légiférer (moratoire en cours au nord du 48ième parallèle) parce que l’espèce est au bord du gouffre.
Dans le Golfe de Gascogne, il n’existe aucune mesure européenne pour l’instant sous prétexte d’une insuffisance (organisée) de données scientifiques sur le stock, et donc le bar y subi une pression de pêche très forte sans le moindre frein : plus il est rare, plus il est cher, et donc plus il est recherché …
Le bar a besoin de journalistes compétents comme vous pour venir documenter ces razzias qui sont pratiquées dans les baïnes d’Aquitaine : les bancs de bars y sont encerclés à très grande vitesse dans quelques mètres d’eau au ras du bord, puis effrayés à grand renfort de bruit pour les forcer à se mailler. Ces vrai « holdup up » se font en 20 minutes environ, par exemple le long des plages landaises à la belle saison , régulièrement au mépris de la législation (vitesse limitée à 5 nœuds , utilisation du bruit interdite pour pêcher , pêche interdite dans les 300 m de juin à septembre de 8h à 20h) parfois même dans des zones de baignade de stations balnéaires (plaintes de mairies comme MOLIETS).
Ces pratiques sont dénoncées par la pétition en ligne :
https://secure.avaaz.org/fr/petition/Direction_des_Affaires_Maritimes_Stop_aux_massacres_des_bars_par_les_senneurs/?copy
Je vous invite à venir enquêter et voir comment se passe cette pêche illicite en Aquitaine : venez la documenter pour informer les consommateurs et les clients des restaurants français sur ces pratiques qui se déroulent non pas en Indonésie, en Papouasie, ou a San Diego mais ici, chez nous et aujourd’hui. Nous accueillerons des journalistes avec les mêmes intentions que vous avec beaucoup d’espoir : le bilan carbone de votre enquête sera réduit, et l’impact de votre travail garanti. Car le bar, en grand danger puisqu’il génère tant de convoitises va rapidement devenir tristement célèbre … une fois disparu
Félicitations pour votre action et merci par avance pour votre retour.
Les autres espèces de thon traditionnellement utilisées dans les boîtes sont très menacées ou en voie de disparition ! Le Listao est le seul thon qui ne soit pas dans cette situation ! Le classement Greenpeace des boîtes de thons durables classe en tête de liste celle qui utilise justement le listao.
http://www.greenpeace.org/france/Global/france/documents/classement_thon-en-boite_Greenpeace_2015.pdf
Bonite ou Thon sont deux noms communs donnés pour une espèce scientifique. Il n’y a aucune tromperie du consommateur ! Le scandale c’est la disparition en masse des espèces de poissons a cause de la sur pêche due à la surconsommation ainsi les conditions de travail des employés des pêcheries et des usines de préparations des poissons et fruits de mer.