Pleurotes de toutes les couleurs
Au Japon, c’est déjà la saison des champignons. Et les Japonais les adorent. Profitons de cette occasion pour parler de l’automne nippon et pour découvrir le monde merveilleux des pleurotes, d’excellents comestibles aux couleurs fascinantes. Jaune vif, gris perle ou rose bonbon, ces champignons réputés en Asie pour leurs vertus médicinales sont de plus en plus faciles à trouver chez nous, et il serait dommage de s’en priver.
Les champignons sont une véritable passion au Japon. Très largement cultivés, ils sont disponibles partout, toute l’année, et sont très bon marché. Il existe un large choix : on trouve toujours des nameko, des shimeji, des enoki, et des eringi (ou eryngii), quatre variétés que je décris en détail dans cet article, sans oublier les célèbres shiitake. Mais ce n’est pas tout. La grande famille des pleurotes est particulièrement bien représentée dans l’archipel, et elle réserve de jolies surprises.
Le pleurote en forme d’huître, classique
On dénombre une cinquantaine de variétés de pleurotes dans le monde. Si certains, comme l’eringi, en latin Pleurotus eryngii – qu’on appelle en France pleurote du panicault – ont clairement des origines occidentales, la plupart des pleurotes viennent d’Asie. Les Japonais les connaissent et les cultivent depuis bien plus longtemps que nous. Et ils ont un faible pour les variétés très colorées. Car des pleurotes, il en existe des roses, des jaunes, des bleus.
Pourtant, la variété la plus connue en France est loin d’être aussi rigolote. Le pleurote commun, celui que l’on voit généralement sur les étals des marchés et supermarchés français, est gris à brun, c’est le Pleurotus ostreatus ou pleurote en forme d’huître. Il est très courant au Japon également, où on l’appelle hiratake / ヒラタケ. C’est un champignon typique des forêts tempérées – on le trouve à l’état sauvage au Japon – mais il est également cultivé toute l’année. On le vend par bottes dont le prix reste généralement entre 80 et 100 yens, soit moins d’1 euro.
Champi carnivore et anti-cancer
Un peu terne, oui, très commun, certes, le pleurote en forme d’huître n’est pas ennuyeux pour autant : comme tous les membres de la grande famille des pleurotes, c’est un champignon carnivore. Il se fait régulièrement attaquer par de petits vers, les nématodes, qu’il est capable de tuer et digérer grâce à son mycélium. Peut-être que l’idée que votre champignon mange des vers vous dégoûte, mais donnez-lui une chance, le pleurote est votre ami.
Plusieurs études, dont celle-ci, publiée en 2009 par des chercheurs tchèques, ont vérifié les vertus médicinales du Pleurotus ostreatus : anti-cholestérol, anti-cancer, il favoriserait également une meilleure assimilation des graisses par l’organisme. Rien d’étonnant donc à ce qu’il soit l’un des produits phare de la pharmacopée chinoise depuis quelques millénaires.
À part ça, question goût, le pleurote en forme d’huître est bon. Peut-être pas bon à se damner, mais sa texture à la fois ferme et douce (un peu comme celle des huîtres, justement) plaît beaucoup en Asie. Il vaut mieux le manger jeune, car il a tendance à gagner en flaccidité en vieillissant, tout en devenant très coriace à la cuisson. Je recommanderais même de le manger très jeune. Déjà parce que c’est super mignon, mais aussi parce qu’il est délicieux ainsi : il est croquant, parfaitement soyeux s’il est bien cuit, avec une saveur fraîche et délicate.
Nordique et funky, le pleurote jaune
Son cousin jaune est visuellement bien plus impressionnant. Il pousse dans l’extrême-Orient russe, au Nord de la Chine, de la Corée et du Japon. En bref, c’est un champignon des zones froides, bien que de nombreux sites et blogs francophones lui attribuent une origine tropicale. Les Japonais l’appellent tamogitake / タモギタケ. En latin, c’est Pleurotus Cornucopiae var.Citrinopileatus.
Si les populations des régions où il abonde naturellement le connaissent bien et l’adorent, il a fallu du temps pour que le commun des Japonais en entende parler. Aujourd’hui, on le cultive dans la région du Tohoku et sur Hokkaido, à moindre échelle que le pleurote en forme d’huître. Il reste donc moins connu, moins répandu et plus cher que son cousin gris-brun. Le prix de la botte atteint généralement les 200 à 300 yens, soit en moyenne 2,50 euros. Sa culture est bien plus généralisée à Taïwan et en Chine, où son prix est nettement moins élevé.
Bourré d’anti-oxydants, il contient également des glucides complexes permettant de réguler le taux de glucose dans le sang. Et comme tous les pleurotes, c’est un concentré de protéines. Les Japonais l’apprécient toutefois surtout pour sa texture et son aspect ravissant. Mais attention : il doit être bien cuit. Si ce n’est pas le cas, sa saveur sera amère. Dommage, car il perd sa belle couleur jaune citron à la cuisson.
Le pleurote tropical, rose bonbon
Pour rester dans les couleurs fascinantes, descendons vers le Sud pour trouver un pleurote tropical de toute beauté, le pleurote rose. Il a été observé pour la première fois par des scientifiques européens en Asie du Sud-Est, dans ce qui allait devenir l’Indonésie. En latin, on l’appelle Pleurotus djamor var.Roseus, et en japonais, c’est tokiiro hiratake / とき色ひら茸.
Plus compliqué à cultiver que ses cousins, du moins au Japon, car il ne supporte pas le froid, il a tout de même rapidement séduit les Japonais grâce à sa jolie couleur. Si elle a tendance à s’affadir en cuisant, elle ne disparaît pas totalement. D’ailleurs, une équipe de chercheurs nippons est parvenue à extraire les pigments du champignon et à teindre du nylon, du vinalon et de la soie en rose pâle.
Comme le pleurote jaune, il reste assez rare et assez cher dans la plupart des régions du Japon – on est dans la même gamme de prix, autour de 200-300 yens, soit environ 2,50 euros. Ce n’est pas le meilleur des pleurotes car il est légèrement amer et un peu trop ferme, mais sa couleur suffit à séduire les consommateurs.
Saison des champignons en décalé
Voilà pour les pleurotes les plus répandus au Japon. Mais il en existe bien d’autres, notamment des bleus, qui sont très jolis et très appréciés. Tous sont trouvables en France, la preuve sur cette image tirée du blog d’une Japonaise vivant à Toulouse. Avant de terminer, il est important de dire quelques mots sur la saison des champignons au Japon. Toutes les photos de cet article ont été prises début août, en automne. Oui, l’automne commence le 22 septembre en France, mais au Japon, c’est le 8 août.
D’un point de vue calendaire, l’explication est simple : pour nous, l’équinoxe d’automne marque le début de la saison. Et en extrême-Orient, il marque son coeur. Les Celtes voyaient les choses de la même manière. Au Japon, traditionnellement, le mois d’août est le mois des feuilles, en japonais hazuki / 葉月. Car les feuilles du ginko commencent déjà à jaunir, celles de l’érable à rougir, les arbres se dénudent doucement. Et les feuilles au sol, c’est bon pour les champignons.
L’autre chose à savoir, c’est que les champis aiment l’humidité, et contrairement à nous, les Japonais ont une saison des pluies. Elle prend fin à la fin du mois de juin, ou à la fin du mois de juillet – tout dépend des régions – et laisse place à un joli soleil et une forte chaleur. Combinez cela à des feuilles mortes au sol et vous obtiendrez des champignons.
Alors certes, mes pleurotes sont en l’occurrence issus de cultures, et sont a priori trouvables toute l’année. Mais l’été et le début de l’automne – en gros la période de juin à septembre – restent les meilleures saisons pour cultiver des champignons au Japon. Les étals des marchés sont également remplis de variétés sauvages à cette époque de l’année. En bref, au mois d’août, c’est déjà la fête du champignon au Japon.
Maintenant que vous savez tout, on va pouvoir passer en cuisine. Vous trouverez ici une recette très simple à faire avec nos pleurotes de toutes les couleurs : nous allons préparer ensemble un super ohitashi, un petit plat typiquement japonais. J’expliquerai tout ça, ce sera chouette, ce sera bon, et ça vous donnera des idées pour votre automne en décalé.
Mes pleurotes préférées sont celles qui poussent sur mes dunes de bord de mer, qu’il ne faut jamais retourner lorsqu’on les cueille, sous peine de remplir de sable leurs lamelles… Ce sont les seules auxquelles j’accorde un peu d’intérêt gastronomique, le côté prés salés du monomaniaque…
Joli billet au demeurant, qui me fait penser à d’autres champignons à lait orangé que nous devions cueillir, et à toutes ces formes baroques et colorées que j’adore en cette saison (ou bientôt) dans les bois. D’ailleurs les pleurotes que tu montres me sont vaguement familières, les roses sans aucun doute, peut-être moins colorées (mais ça dépend je crois du ph du sol), comme en témoigne la photo en lien.
En prime, j’apprends que les japonais voient les choses comme les celtes, tout s’explique enfin.
Mon Patrick, pleurote est un nom masculin ! Je sais, ça fait bizarre, j’ai du mal moi aussi. Et j’adore moi aussi ceux du bord de mer, en Normandie on se fait des cueillettes superbes… Quant aux Celtes, je savais que ça te plairait, je l’ai ajouté tout spécialement pour toi, oui oui.
Je ferai prochainement un billet sur les sanguins, mes champis d’amour ; je ne serai pas dans le Sud pour la saison cette année mais j’ai en stock toutes les photos de l’an dernier !
Masculin ? M’en fous, je suis rebelle quand il s’agit de bouffe, ça restera féminin pour moi (ce sont mes parents qui m’ont enduit en erreur, c’est bien trop tard pour changer maintenant…). Et puis merci, t’es trop cool quand tu me passes le celte !
Merci pour cet article très intéressant qui vient s’ajouter au précédent, pour une vue d’ensemble encore plus complète des champignons japonais!
Ici à Osaka, malheureusement, je dois dire que je n’ai pas vu autant de couleurs pour le moment au niveau des étals de champignons… pourtant, avec tous les typhons, ce n’est pas la pluie qui manque! Mais peut-être que la saison est déjà finie?
Merci encore, c’est encore plus intéressant de suivre le blog en vivant en terre japonaise, ça permet une expérimentation directe et concrète des denrées qui m’entourent!
Bonjour Carine – enfin, bonsoir 😉 – tu devrais pouvoir en acheter sans problème à peu près n’importe quand, il faut juste trouver le supermarché / marché qui en propose. Moi je vais faire mes courses chez Tamade à Osaka, parce que je suis une grosse pauvresse, ils n’ont que les gris, mais dans des supermarchés plus « gourmets » ça se déniche assez facilement.
Bonjour Camille, j’ignorais qu’il existait des pleurotes bleus. Cela m’intéresse car il existe très peu d’aliments bleus à l’état naturel et je m’amuse à composer des menus monochromes. Justement, j’ai des difficultés avec la couleur bleue alors, des champignons bleus, je retiens!
Sinon, j’ai acheté à Monoprix de la soupe Miso déshydratée aux légumes. Parmi les ingrédients, il était marqué « champignons ». Je m’attendais à quelque champignon exotique, du type de ceux que tu décris. Quelle déception! En fait d’exotisme, il s’agissait de champignons de Paris… La soupe n’était pas mauvaise mais j’ai comme eu l’impression de me faire avoir! Cela dit, pour un Japonais, les champignons de Paris sont peut-être du dernier chic?
Merci pour cette jolie chronique toute colorée. Elle me ferait presque aimer les champignons! Et pour une fois, pas de recette infaisable. Ouf! Mais si j’ai bien compris, je ne pers rien pour attendre!
Bien à vous
Bénédicte
Merci Bénédicte ! Les pleurotes bleus s’appellent Pleurotus colombinus, joli non ? Ils sont comme ça : http://champignonscomestibles.com/pleurote-bleu
Ce n’est pas un bleu roi certes, mais c’est déjà pas mal. En revanche, je ne sais pas si cette variété-là est si facile à trouver en France. Mais il existe d’autres champignons bleus, comme les pieds bleus que l’on cueille dans le Sud.
La recette arrive vite, je vais publier un autre billet vite fait entre temps, un petit coup de gueule spontané.
Bonjour l’aventurière !
Oui, j’ai entendu que beaucoup de malade de cancer qui sont déçus de médicaments et de chimio thérapie chassent des champignons guérisseurs.
Ce bon gout de champignon est aussi, pour les asiatiques bouddhistes, celui qui remplace la viande. On en met partout toute sorte de champignon.
Je ne savais pas qu’il y avait autant de variété de pleurote. J’attend la recette avec impatience.
bonjour !
moi j’ai testé ça :
http://ipjblog.com/horslesmurs/2013/11/21/des-pleurotes-dans-ton-salon/
c’est gadget, mais amusant et bon !
Bonjour
Dans mon pot de fleur ,,j’ai des champignon qui ressemble à ces pleurotte jaune
J’en suis pas certaine,,mais en tout les cas il sent bon
Comment le savoir ?
Merci de votre réponse,,dommage que je ne puisse mettre une image
Bonjour Ginette,
Je vous conseille de montrer une photo à un pharmacien, ils savent toujours ! Mais je doute qu’un pleurote asiatique pousse dans un pot de fleurs par chez nous…
Bonjour Camille,
Je suis tombée sur votre site en cherchant comment cuisiner mes petits pleurotes. J’ai acheté un kit pour faire pousser des pleurotes roses, mais impossible de trouver l’inspiration pour les accommoder… Votre article m’a bien aidée et je vous en remercie !
Hélène
bonjour, je lis tous vos commentaires avec intérêt, quelqu’un peux me dire si les pleurotes qui poussent sur le tronc d’un cerisier mort sont comestibles ? merci à tous
Bonjour Patricia,
Le bois mort est toujours propice à la pousse des champignons ; c’est sur des bûches un peu pourries que l’on cultive les shiitake au Japon… Pas de problème pour les consommer, à condition d’être bien sûr qu’il s’agisse de pleurotes – si vous avez un doute, les pharmaciens sont des spécialistes et pourront vous aider à les identifier.