A Taïwan, on ne boude pas les desserts, bien au contraire. Ici, on les aime, on les adore, on utilise des recettes traditionnelles ou on pique celles des autres, comme les mochis japonais, les crèmes glacées américaines ou les pâtisseries françaises. Mais le plus emblématique des desserts taïwanais, c’est la glace râpée, en chinois bàobīng / 刨冰, une préparation qui vaut le détour aussi bien au niveau visuel que gustatif.
Comme son nom l’indique, la glace râpée est râpée finement, ce qui lui donne une texture fine et légère qui rappelle les flocons de neige. Elle est ensuite couverte de différents ingrédients et arrosée de lait ou de sirop, et sa consistance magique lui permet d’absorber ces liquides plutôt que de les laisser filer au fond du récipient. On obtient alors un dessert complet, qui a séduit l’Asie tout entière.
Le dessert officiel chinois
A l’origine, la glace râpée vient Chine. Elle a été inventée il y a plus d’un millénaire, selon Reay Tanahil, auteur de « Food in History » (Stein & Day, 1973), et était déjà dégustée au VIIe siècle. Fort d’une longue tradition, ce dessert a fini par obtenir une sorte de statut officiel en Chine : en 1972, lorsque le président Richard M. Nixon a visité Beijing pour la première fois, cette fameuse glace fut servie lors du repas avec Mao Zedong et Zhou Enlai.
Tous les pays qui ont subi une influence chinoise ont fini par l’adopter et se l’approprier. Au Japon, on la connaît par exemple sous le nom de kakigōri / かき氷 ; aux Philippines, c’est le halo halo, mais il existe aussi des variantes en Indonésie, en Malaisie, en Corée, en Thaïlande, en Inde, en Italie etc. Et d’un bout à l’autre de l’empire chinois, elle a évolué de diverses manières en suivant des variantes régionales.
A Taïwan, le dessert a pris une nouvelle allure avec le temps et la mondialisation du goût. Le bàobīng a vite été réalisé grâce à un procédé mécanique et agrémenté des délicieux fruits frais locaux dans certains cas, ou de tout un tas d’autres ingrédients dont les Taïwanais ont le secret. Regardons donc les différentes variantes possibles.
La version moderne, au lait concentré
Tout d’abord, on a ma version préférée, celle que les Occidentaux adorent généralement et qui est assez récente, au lait concentré et aux fruits. Elle est un peu particulière car la glace en elle-même contient du lait. Du coup, elle ressemble à s’y méprendre à de la neige, étant immaculée. Sa texture est plus fondante que celle du glaçon râpé.
Pour la réduire en flocons, on se sert d’une machine géniale sur laquelle on enfile un bloc de glace circulaire percé en son centre. La machine est équipée d’une lame qui file le long du bloc à mesure que celui-ci tourne sur lui-même, la neige tombant en flocons qui peuvent être collectés dans un récipient.
Une fois la jolie neige amassée et tassée, on l’arrose d’un peu plus de lait concentré et on la couvre de beaux morceaux de fruits frais locaux comme la mangue, la pastèque, les fruits de la passion etc. L’une des plus populaires – et ma favorite – c’est la mangue, mais il y a de nombreuses autres options.
On peut opter pour des versions qui plaisent beaucoup aux Taïwanais, comme le miel et l’aloe vera, le flan (à vrai dire c’est véritablement un Flanby posé sur le tas de neige), les biscuits Oreo et j’en passe. Les possibilités offertes chez les glaciers de Taipei donnent le vertige.
Et puis si vous êtes un peu fou, vous pouvez également tenter la glace directement arômatisée au thé vert ou aux cacahuètes. On sortira pour vous un beau bloc vert vif ou marronnasse que l’on recouvrira ensuite de plein d’autres ingrédients amusants si vous voulez la totale, des haricots rouges à la sauce chocolat en passant par le sésame.
Si la plupart de ces recettes sont bien trop sucrées, ce dessert reste un vrai bonheur. On a véritablement cette sensation un peu magique de manger de la neige sous la chaleur écrasante de l’été taïwanais, une neige douce, sucrée, comme dans un rêve, comme dans un film Disney, de la neige améliorée en quelque sorte, un peu comme lorsqu’on s’imagine manger un nuage et que dans notre rêve, le nuage est délicieux. La texture s’efface dès qu’on parvient à la percevoir, elle ne se laisse pas attraper, elle est est furtive, fugace, cette glace.
La version traditionnelle, à l’eau, avec igname, pois et haricots
Parfois, la glace râpée sera nettement plus traditionnelle, et donc un peu moins fun pour nous les Européens, mais tout autant si ce n’est plus pour les Taïwanais, et plus proche du halo halo philippin. Il s’agira alors d’une glace à l’eau tout ce qu’il y a de plus glaçon, râpée de la même manière, et recouverte d’ingrédients beaucoup plus étranges pour le touriste en goguette.
Vous avez, dans une vitrine, une multitude de bols remplis de choses amusantes au choix, il faudra en mettre cinq sur votre glace. Les couleurs sont nettement moins funky que chez le glacier précédent, avec ses mangues, ses kiwis et ses fraises, les textures semblent pâteuses, bref, c’est tout de suite beaucoup moins appétissant et même moins rigolo qu’un halo halo aux jolies gelées technicolor.
Par exemple, vous pouvez opter pour les haricots et pois variés, la gelée d’herbe ou la gelée aux amandes, ou pourquoi pas des mangues vertes confites, de l’igname ratacuite ou de la nata de coco. On arrosera généreusement le tout de pur sirop de canne, qui a un pouvoir sucrant nettement supérieur au sucre raffiné et une saveur prononcée. Par conséquent, le dessert peut être au final moins sucré que la version aux biscuits de tout à l’heure, mais il aura tendance à nous paraître plus écoeurant.
Par contre, cette fois, il aura véritablement la consistance de la neige, la vraie neige, pas la neige Disney qu’on obtient avec la glace au lait de tout à l’heure. C’est assez troublant, de retrouver cette sensation enfantine, je me revois m’emmerdant au ski, je mange de la neige pour passer le temps, je relève le nez et me voilà à la table d’un glacier taïwanais.
Bref, traditionnelle ou moderne, il faut essayer cette glace, disponible à Taïwan toute l’année chez des glaciers indépendants, dans la rue, sur les stands de street food, ou dans les marchés de nuit. Mais c’est en été que vous pourrez pleinement l’apprécier, les fruits de saison, comme la mangue ou la pastèque, étant particulièrement bons.
Ce dessert vous coûtera entre 50 et 110 NTD, ce qui correspond à peu près à une fourchette comprise entre 1,50 et 3 euros. A mon avis, mieux vaut le partager car il est énorme et qu’il fond vite. Si vous en avez l’occasion, essayez et dîtes-moi ce que vous en pensez !
Coucou Camille,
Je viens de découvrir ton blog et il me plait beaucoup. Quand nous étions à Singapour, nous adorions un dessert identique à celui là. Là-bas, il s’appelle Ice Kachang. La première fois que nous en avons mangé, nous n’en revenions pas : du maïs et des haricots rouges sur de la glace pilée! C’était pourtant très bon. La version singapourienne est arrosée de différents sirops en plus du lait concentré, du sirop de pandan, du sirop à la rose… et des morceaux de « grass jelly » au fond. Ça m’a rapellé de très bons souvenir, merci.
Oui, c’est exactement la même chose ! En Malaisie en général et en Indonésie on l’appelle pareil. C’est rigolo la rose, ça fait très arabe/indien, à côté du pandan qui est tellement asiatique, on voit vraiment se dessiner les origines de la population malaise dans ce simple dessert. Ca y est, tu m’as donné envie de retourner en Malaisie, il y a tellement à dire sur ce pays… Et le cas particulier de Singapour est intéressant aussi. Il faudra que tu m’en parles à l’occasion. Je suis ravie que mon blog te plaise, j’espère que tu vas bien, ainsi que toute la famille !
Bonjour,
J ai adoré ce dessert en Thaïlande.
Petite question ou peut on trouver la machine pour raper la glace pour une utilisation professionnel?
Par avance merci.
Yannick
Désolée yannick, on m’a posé la même question par mail plusieurs fois mais je n’en ai aucun idée, ce n’est pas du tout mon rayon !
Bonjour tout le monde
Merci beaucoup pour cet article très bien documenté.
Je travaille actuellement en Corée pour une entreprise qui produit et commercialise cette machine à usage professionel. J’espère pouvoir développer ce marché en France
Merci de me prévenir dès que vous en vendrez.
Excellente journée.
Bonjour
Si un jour vous commercialisez une machine à faire de la glace de neige, je suis preneur !
Cordialement,
CM
Bonsoir Benjamin,
Je souhaiterez avoir des renseignements sur votre machine.
voici mon mail: [email protected]
merci.
Cordialement;
Laurent.