Pour célébrer la mort de Kim Jong Il, mangeons coréen ! Faisons donc un kimbap, l’un des snacks les plus populaires en Corée. C’est très simple à réaliser, il vous faut simplement quelques ingrédients assez faciles à trouver dans les épiceries asiatiques.
Tout d’abord quelques mot sur l’origine de ce snack. C’est un dérivé du futomaki (littéralement « grand rouleau »), les plus gros makisushi, fourrés à plein de choses. Les Coréens ont intégré cette recette à leur répertoire malgré eux durant l’expansion coloniale japonaise, entre 1910 et 1945. A ce moment-là en effet, le Japon a annexé la Corée, qui n’était encore qu’un seul empire, pauvre et archaïque.
Outre les massacres, les expérimentations sur cobayes humains et les viols, les Coréens ont alors subi une très forte influence culturelle de la part des Japonais. En 1941, pour que les choses soient claires, le Japon a tout bonnement interdit l’enseignement du Coréen en Corée. Déposséder un pays de sa langue, c’est le message culturel le plus fort que l’on puisse envoyer : sans langue, plus d’identité culturelle ou presque. Restent certaines traditions, dont le culinaire. Mais là aussi, les Japonais ont imposé leur manière de voir les choses.
Les Japonais sont partis, le kimbap est resté et Kim Il Sung est arrivé
Les feuilles d’algue séchée (nori en Japonais, gim en Coréen) ont alors été largement utilisés pour rouler du riz. Comme ces rouleaux étaient bons, et finalement pratiques car on peut y mettre à peu près n’importe quoi, ils ont fini par être totalement adoptés par les Coréens, qui ont continué à les cuisiner et les manger bien après le départ des Japonais.
Parce qu’aujourd’hui est un jour important, juste un mot sur l’après-Japon pour la Corée. Chinois et Américains ont « libéré » l’Empire coréen, finissant par s’affronter sur-place (avec un renfort militaire soviétique pour les Chinois) et par séparer le pays en deux en 1953, comme cela a été fait en Allemagne. Bon. Le problème, c’est que la Corée n’a jamais été réunifiée.
La Corée du Sud est devenu la pays le plus consumériste que j’aie jamais vu. J’en avais mal au coeur. La Corée du Nord a eu encore moins de chance, car ce bon vieux Staline a choisi un allumé élevé en Manchourie, ne parlant pas un mot de Coréen, Kim Il Sung, et lui a dit : « Hé toi là-bas, tu veux un pays ? Allez viens, je te fais président de Corée du Nord. Tu verras ils sont super pauvres mais on pourra être copains comme ça. » Kim Il Sung s’est dit chouette, il a appris le Coréen, s’est inventé une vie un peu mieux que sa jeunesse chinoise et est devenu premier ministre à partir de 1948 puis Président Eternel de Corée du Nord à partir de 1972, je ne mens pas, c’est inscrit dans leur constitution.
Et puis un jour, il est mort, alors on a mis un gosse de riche complètement nioque à sa suite, son fils, Kim Jong Il, encore plus taré que Papa. Vous devez connaître la suite, Kim Jong Il et son pantalon kaki, Kim Jong Il et ses opéras, Kim Jong Il qui regarde des trucs. Il est enfin mort, et j’ai toujours autant de peine pour les Nord Coréens. Peut-être que c’est un pas vers la réunification, mais si elle advient elle sera complexe et douloureuse, le Nord étant un pays de paysans affamés et vivant au moyen-âge, le sud un pays où on va s’acheter des faux Vuitton au mall de 8 étages à 4 heures du matin. Voilà, j’ai fini ma parenthèse, je vous pense fort à vous, Nord Coréens, vous n’avez pas de chance et je ne vous connais pas mais je vous aime quand même. Revenons à nos kimbap.
Le fast-food des Coréens, le plat coréen préféré des étrangers
Aujourd’hui, on trouve du kimbap ou gimbap à peu près partout en Corée. Il est généralement considéré comme un déjeuner léger ou un en-cas, et on le rangera plus volontiers du côté fast-food que de celui de la grande cuisine. Plusieurs variétés de kimbap existent. Elles reprennent les différentes formes traditionnelles de la cuisine japonaise, comme le triangle (l’onigiri japonais, devenu samgap gimbap) ou le rouleau. Ceux qui ont le plus de succès auprès des étrangers sont très colorés et très épais. On les trouve tout faits de plus en plus facilement à Paris et dans toutes les capitales européennes.
Dans ces kimbap, on mettra le plus souvent du boeuf ou du thon-mayonnaise, du danmuji (le radis mariné jaune que les Japonais appellent takuan), du concombre, du surimi, de l’omelette, des carottes et des épinards et parfois de la bardane et du kimchi, le chou fermenté et pimenté dont les Coréens sont fous. Il faudra que j’y consacre un article, ça va très loin. Le riz est légèrement salé et parfumé à l’huile de sésame, la « Korean touch » par excellence. Le gim coréen est légèrement différent du nori japonais car il est également parfumé à l’huile d’olive ou de sésame.
Une fois que l’on a goûté au véritable kimbap coréen, rien ne nous empêche d’être un peu audacieux et d’adapter la recette à ce dont on dispose. Une fondue de poireaux, de la mâche, des crevettes, à peu près tout peut faire l’affaire, tant que l’on respecte la forme du rouleau. Voici la recette et la méthode.
Il vous faut :
- 1 radis mariné (un long cylindre d’un beau jaune vif disponible en épicerie asiatique)
- 1 carotte râpée
- 1 concombre
- 1 boîte de thon
- de la mayonnaise
- du surimi
- des feuilles de nori ou de gim
- du riz à sushi déjà prêt, avec quelques gouttes d’huile de sésame
- 1 omelette fine faite avec un oeuf, légèrement salée et sucrée
- quelques feuilles de batavia
- 1 makisu (la natte à rouler les maki)
C’est en général la version basique que je prépare. J’y ajoute parfois des pousses d’épinards crues ou bouillies, du wakame réhydraté… Mais commençons simple. Il va d’abord falloir découper tous vos ingrédients (radis, concombre, omelette) en très longs bâtonnets d’environ 5mm à 1cm de diamètre pour une longueur un peu supérieure à la largeur de votre feuille de nori. Les bâtonnets de surimi seront de préférence coupés en deux dans le sens de la longueur.
La salade doit être lavée et séchée, feuilles coupées en deux ou quatre selon leur taille, en enlevant les côtes trop dures. Le thon doit être émietté et mélangé à un peu de mayonnaise, et un peu de piment si vous aimez manger épicé. Les carottes sont râpées. Réservez tout ces ingrédients autour de vous sur votre plan de travail. Tout doit être à portée de main.
La feuille de nori a un sens
Prenez votre feuille de nori ou gim. Vous pourrez, en l’observant près d’une source de lumière, remarquer qu’elle n’a pas le même relief des deux côtés. L’un est plus lisse que l’autre. Le côté lisse, c’est l’envers. Vous allez donc mettre le côté qui a le plus d’aspérités au-dessus.
Placez votre nori, face irrégulière dessus donc, sur votre makisu. Prenez du riz fraîchement cuit (encore un peu tiède c’est l’idéal, pas brûlant car le nori va mal le vivre, pas froid parce que c’est nul) et étalez-en relativement peu sur votre nori. Vous devez aller vraiment jusqu’au bout sur les côtés, laisser 1 ou 2 cm de nori nu en-bas, et environ 4cm de nori nu sur le haut de la feuille. Faîtes une couche de riz la plus fine possible, soit avec les doigts, soit avec une cuiller.
Vous pouvez à présent déposer la feuille de batavia pour commencer, puis une ligne de thon-mayo, et tous les autres bâtonnets sur la partie nue du nori. Pour le surimi, mettez en 3 à la suite. Si les ingrédients dépassent ou se chevauchent, ce n’est pas grave, vous allez voir. Vous pourrez ensuite rouler tout cela.
Prenez fermement, à deux mains, l’extrémité du makisu et rabattez la feuille de nori en serrant le plus possible pour la coincer sur elle-même, emprisonnant fermement tous les ingrédients. Roulez suite avec le même geste jusqu’au bout. Vous obtiendrez un magnifique rouleau dont plein de choses colorées dépasseront des deux côtés.
Si vous n’êtes pas drôle, vous pourrez couper ces pointes folles pour avoir un beau kimbap ennuyeux. Si vous aimez la vie, les coiffes des Indiens d’Amérique ou les punks, laissez-les et traitez-les comme une partie intégrante du rouleau.
Vous pouvez ensuite découper sans attendre votre kimbap. Etant donné qu’il est très épais, il faut faire des tranches fines pour que cela soit pratique à manger. 2 à 3cm maximum suffisent. Si le kimbap a été bien roulé et serré correctement, il ne bronchera pas à la découpe. Les pointes folles feront des tranches super fun que tous vous invités s’arracheront (ça marche à tous les coups, je vous le promets).
Si vous ne faîtes pas un kimbap parfait du premier coup, ne pleurez pas. Essayez sans la salade pour vous entraîner et en rien de temps vous aurez la dextérité nécessaire pour pouvoir tester vos propres impros en fonction de ce que vous trouverez au fond de votre frigo. Allez, je suis sûre que ça va marcher.