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Din Tai Fung, le ravioli chinois étoilé
Pour commencer à parler de la cuisine taïwanaise qui est aussi exotique que variée, rien de tel qu’une introduction en douceur. Pour cela, je vous emmène chez Din Tai Fung (鼎泰豐) à Hong Kong. Ce restaurant taïwanais étoilé fait partie d’une chaîne établie dans de nombreuses villes asiatiques ; on y sert d’exceptionnels xiaolongbao – communément appelés raviolis chinois chez nous – et des nouilles, sous toutes leurs formes.
Chez Din Tai Fung, le décor est magnifique, la salle immense et dès l’arrivée, on a vue sur les cuisines où les chefs préparent les fameux xiaolongbao et les nouilles. Ce sont à peu près les seuls mets taïwanais dont nous connaissons l’existence en France, mais nous les associons généralement uniquement à la cuisine chinoise.
De toutes façons, nous connaissons très mal Taïwan. Nous n’en savons pas grand chose, mis à part le fait qu’ils ont fabriqué beaucoup de produits électroniques de très mauvaise facture à une époque. Formose – version francisée de Formosa, c’est le nom donné au pays par les navigateurs portugais en 1544 et ça veut dire « belle » – est une île qui a très longtemps été chinoise, d’où un patrimoine culturel et notamment gastronomique commun.
A la fin de l’année 1911, Taïwan a commencé à couper les ponts avec la Chine et s’est proclamée indépendante au premier jour de l’année 1912, ce que les Chinois n’ont d’ailleurs toujours pas digéré et jamais reconnu. Bref, quoi qu’il en soit, la cuisine de Formose présente des racines communes avec celle de la Chine. Enfin, pour être plus précise, surtout celle du sud-est de la Chine. Dont ces nouilles et ces jolis raviolis.
Du porc, des crevettes et des plats végétariens à gogo
Quand on commence à parcourir le menu de Din Tai Fung, on est un peu pris au dépourvu car il est à la fois très simple – les plats sont classés dans 4 catégories seulement : bouchées, nouilles, riz, autres – et très riche en options. Difficile de faire son choix parmi toutes les variations possibles autour de ces thêmes principaux.
Certains ingrédients typiques sont particulièrement récurrents, comme le porc, les crevettes, les pousses de bambou ou les haricots azuki. A part cela, un peu de boeuf, très peu de poulet et de nombreux plats sans viande ni poisson car 7 à 15% des Taïwanais sont bouddhistes au sens strict et donc végétariens. Qui plus est, ils ne mangent ni oignons, ni ail, ni poireaux, considérés comme des excitants.
Comme on a rarement l’occasion de goûter à de la grande cuisine végétarienne, nous avons commandé une entrée typiquement bouddhiste, composée de tofu et d’algues en julienne avec des pousses de soja, le tout mariné dans une sauce sublime à l’huile de sésame. Et pour couronner le tout, un petit peu de piment rouge, point trop n’en faut, on reste bouddhiste. Excellent.
Pour la suite, nous avons opté pour le grand classique, parce que c’est le meilleur moyen de vérifier la qualité d’un restaurant : des xiaolongbao au porc et au crabe. Ils sont servis par 6 dans les paniers en bambou qu’on a utilisés pour les cuire à la vapeur.
Avant même d’y goûter, on peut voir que la pâte est d’une grande finesse, elle est translucide. C’est la promesse d’une bouchée légère et délicieuse.
Les choses deviennent amusantes lorsque, comme un rustre, on se saisit d’un xiaolongbao pour l’enfourner directement. On vous explique alors que vous faîtes fausse route. Chez Din Tai Fung, on vous fait découvrir les plats taïwanais, mais aussi la manière dont il faut les manger.
Un petit mode d’emploi illustré est fourni. C’est très ludique et c’est effectivement en respectant ces intructions que l’on peut pleinement apprécier le raffinement et les saveurs de ces ravissants raviolis.
Tout d’abord, il faut verser de la sauce soja dans une coupelle et y ajouter du gingembre frais râpé. Ensuite, il faut s’armer d’une cuiller en porcelaine et d’une paire de baguettes. On saisit la bouchée entre les baguettes, on la trempe dans cette sauce et on la dépose dans la cuiller.
Là, on perce un petit trou à l’aide d’une baguette dans la très fine pâte qui enveloppe la farce encore brûlante. Pschiii, votre ravioli va se dégonfler soudainement, il était encore chargé d’air chaud et d’un bouillon savoureux qui se répand dans la cuiller. Vous pouvez alors y ajouter quelques lamelles de gingembre et manger tout en une bouchée : le ravioli, le bouillon, la sauce et le gingembre, directement à l’aide de votre cuiller.
La pâte est juste élastique comme il faut, sa finesse laisse les saveurs de la farce s’exprimer immédiatement. Avec ces bouchées délicates, on touche au grand raffinement. Pas étonnant que les Japonais en soient fous ; on compte 5 restaurants de l’enseigne dans l’archipel nippon.
Le plat suivant est une soupe de nouilles aux crevettes, au bok choi et aux pousses de bambou. Là aussi c’est excellent, les légumes et les crevettes sont croquants, le bouillon très fin mais savoureux, les nouilles faites maison sont parfaites.
Enfin nous avons choisi une autre sorte de ravioli, des jiaozi, végétariens cette fois. Ils sont fourrés aux champignons, et comme j’adore les champignons, je m’attendais à quelque chose d’extraordinaire, mais ils étaient moins renversants que les premiers.
Pour ce qui est des desserts, hum, ce n’est pas vraiment le restaurant idéal. Un peu de riz glutineux au porc cuit dans le bambou, non ? Vraiment pas, vous êtes sûrs ? Pourtant c’est bien rangé dans la catégorie desserts sur le menu. A part cela, il est pssible de choisir des bouchées au taro ou des gâteaux de riz aux haricots azuki, tous cuits à la vapeur. Bref, nous ferons l’impasse.
L’addition est très raisonnable et loin des sommes que l’on débourse habituellement pour un repas dans un établissement décoré par la guide Michelin. Bref, si jamais vous êtes fâché avec les ravioli chinois, Din Tai Fug est le meilleur moyen de vous faire changer d’avis.
Salut,
Merci pour tes conseils pour la préparation de raviolis chinois.
J’ai aussi trouvé un ebook gratuit avec 101 recettes chinoises. Attention, c’est sur Amazon et je ne sais combien de temps il restera gratuit.
D’abord bravo pour votre site, c’est très très intéressant.
Cet article est fort appétissant ; il me rapelle un banquet de « raviolis » (en fait toutes sortes de jiaozi et de baozi) que j’ai fait une (seule) fois dans ma vie, à Xi’an, dont je garde un souvenir exceptionnel.
Sur les desserts, c’est dommage de ne pas avoir essayé, car je suis sûr que au moins les bouchées au taro doivent valoir le coup : j’adore le taro (on l’appelle « songe » à La Réunion).
Sur la dénomination de ces raviolis, j’ai une question sur la dernière photo « Xiaolongbao végétariens » : on dirait plutôt des « jiaozi », non ? J’avais cru comprendre que la différence était que les divers baozi avaient la forme d’un petit sac (bao) tandis que les jiaozi ont la forme d’un ancien lingot d’argent (jiao).
Dans l’article wiki en anglais sur Xiaolongbao http://en.wikipedia.org/wiki/Xiaolongbao il y a justement une discussion sur ce sujet, mais ce n’est pas très clair, je retiens juste cela :
« xiaolongbao are pinched at the top prior to steaming, so the skin has a circular cascade of ripples around the crown, whereas jiaozi are usually made from a round piece of dough folded in half, and pinched along the semicircle. »
Oui, oui, mille fois oui, je me suis trompée, merci de corriger ! Je dois avouer que le Chinois est la langue avec laquelle j’ai le plus de difficultés, j’y perds systématiquement mon latin… Merci pour la correction, et la prochaine fois j’essaierai les desserts, j’aime bien le taro moi aussi.
Oki, merci de la confirmation, j’avais donc bien capté la différence.
Sur le Chinois : meeuuhhh non, c’est pas compliqué ; 中文很容易, la preuve : plus d’un milliard de personnes savent le parler (bon, ok, pas tous pareil) et l’écrire…
(je crois que c’est Wen Jiabao qui avait sorti cela un jour ; ah là là, quel taquin ce bon Wen.)
A TaÏwan, il m’est arrivé de craquer littéralement à force de ne pas me faire comprendre, tant ma prononciation est nulle… J’ai appris le cantonais à la fac, pas le mandarin, et j’ai du mal à faire le switch apparemment.
Je désespérais de trouver quelqu’un qui parle anglais, mais effectivement, pourquoi l’apprendre, quand on parle une langue plus répandue ?
Bonjour Camille,
pour information, et pour trancher dans le vif du sujet, quels que soit la dénomination et le sens de « bao », le jiaozi (le « gyoza » japonais) est un ravioli en forme de dentier, le « xiaolongbao », une aumonière d’origine shanghaïenne dont la farce repose sur un lit de bouillon et le baozi, une brioche à la vapeur garnie d’une farce sucrée ou salée selon la région d’origine. Paradoxalement et comme tu le dis dans ton article, c’est une chaîne taïwanaise’, Din Tai Fung donc, qui a popularisé dans le monde entier le xiaolongbao, spécialité shanghaïenne. Et c’est Din Tai Fung, toujours dans une logique de serpent qui se mordrait la queue, qui demeure la meilleur adresse pour les déguster à Shanghaï. Ce que peu de Shanghaïens accepteront de dire. Pour les aventuriers, Jia Jia Tang Bao, échoppe embusquée au nord de People’s Square, aligne des xiaolongbao corrects (parmi les meilleurs selon les locaux), un peu moins fins que les créations de DTF, correspondant sans doute un peu plus aux normes de Chine intérieure – et peut-être un peu plus parfumés, mais ce n’est qu’une question de foi – bonne ou mauvaise.
J’ai déjà eu l’occasion d’y manger lors de vacances à HK, c’est effectivement excellent. Vivement un guide Michelin Chine 🙂
Mes félicitations pour ton blog qui est très agréable à lire.
En attendant un guide Michelin de la Chine, il y a le Michelin de Hong Kong et Macau, même si je ne suis pas d’accord avec la plupart de leurs avis…
Bonjour , je suis presentement a Xian et aimerait aller a un banquet de raviolis. J’aimerais connaitre l’endroit ou tu etais allee.
Merci.
Le Din Tai Fung dont je parle est à Hong Kong, je n’ai pas d’adresse à Xian, désolée…
Bonjour Camille,
Écrivant un article sur le sujet, je suis retombé sur le tien et je m’interroge sur l’origine taïwainaise des xiao long bao. A ma connaissance c’est une spécialité de Shanghai uniquement. Din Tai Fung a en effet été créé dans les années 70 à Taïwan mais par un chinois exilé. Il n’a visiblement fait qu’importer et populariser cette spécialité shanghaienne sur l’île.
Toi qui connait bien Taïwan, as tu connaissance d’éléments qui prouveraient un lien plus ancien entre Taïwan et ce fameux dumpling ? 🙂
A bientôt !!
Bonjour Alex,
Les xiao long bao ne sont en effet pas du tout taïwanais ; ils viennent de Nan Xiang, l’ancienne Shanghai. Et ils sont très récents (fin XIXème – début XXème). Et pourtant Din Tai Fung fait référence en la matière. Car Taïwan fait référence pour tout ce qui est chinois traditionnel (du moins tout ce qui date d’avant 1949).
Quand la Chine a fait sa révolution culturelle, elle a tout brûlé, tout jeté, tout envoyé bouler ; les Taïwanais ont pris leur indépendance et ont gardé précieusement tout leur patrimoine régional et national : les temples, les oeuvres d’art, les recettes, les traditions et même l’écriture n’ont pas bougé d’un iota. Ils ont aussi accueilli tous les Chinois qui ont fui le régime communiste, et ont englobé leurs traditions au passage. Taïwan a évidemment aussi beaucoup évolué depuis 1949, mais beaucoup te diront que si tu veux voir la Chine traditionnelle, c’est à Taïwan que ça se passe.
Du coup aujourd’hui, des millions de Chinois viennent à Taïwan juste pour retrouver « la Chine authentique ». Le marché de nuit de Shilin par exemple est un véritable lieu de pèlerinage pour la Chine continentale.
Le xiao long bao de Din Tai Fung illustre très clairement l’exil massif des Chinois vers Taïwan pendant et après la révolution, emmenant avec eux leurs traditions. Quand le fondateur du restaurant s’est installé à Taïwan, c’était pour fuir la guerre civile. Il a ramené avec lui plusieurs recettes, dont les xiao long bao.
C’est un restaurant très touristique…il y en a pas mal mieux ailleurs…
Oui, c’est touristique, c’est normal, il est étoilé… Je n’ai jamais dit que c’était le meilleur, juste que c’était bon. Je l’aime bien même si je n’y suis pas retournée, je préfère les bouis-bouis, toujours. Si vous avez des adresses à recommander, vous pouvez les partager !
bonjour,
Je viens de découvrir votre blog à la suite d’une recherche pour une recette de tonkotsu ramen.
Etant une grande fan de cuisine japonaise, j’ai parcouru vos articles très intéressants. Par contre je viens
de rentrer d’Hong Kong il y a deux jours et je suis allée au Din tai Fung! Très grosse déception! Cadre très
quelconque et surtout, dim dum médiocres et pâte très épaisse. Vous pouvez déguster ces spécialités dans d’autres endroits et de bien meilleure qualité! D’autre part, votre article sur les oursins m’a vraiment plu et je ne connaissais pas la différence de couleurs (rouge et jaune) pour les mâles et femelles. J’ai l’occasion d’en
pêcher régulièrement dans le sud de la france (pendant l’hiver bien sûr) et on me dit souvent de ne prendre les noirs car ils sont vides! Bravo encore pour votre blog!
Bonjour Laurence et merci !
Mon papier sur Din Tai Fung commence à sérieusement dater, je suis navrée de savoir que la qualité a tant baissé… C’était une référence à l’époque. Celui de Taipei est toujours au top paraît-il…
Bonjour! Je viens de découvrir ce site et viens de finir de lire la rubrique sur la Corée. Pour Taiwan, cependant, j’aimerais rectifier l’histoire que vous présentez – de 1895 à 1945, Taiwan était une colonie japonaise, et s’était donc séparée de l’empire Qing bien avant 1911. Elle a ensuite été revendiquée par la « Chine » en pleine guerre civile entre le Kuomintang et le Parti Communiste, et Chiang Kai-chek s’y est réfugié avec son armée en 1949. À la fin de l’année 1911, Sun Yat-sen a proclamé en Chine continentale le gouvernement républicain provisoire à la suite de la chute de la dynastie Qing ; le gouvernement actuel de Taiwan, se considérant l’héritier direct de cette première République de Chine, accorde une grande importance à cette année.
Quant au Din Tai Feng, j’ai toujours eu envie d’y aller, mais j’ai fini par me contenter du minuscule restaurant derrière mon école de langue, qui était apparemment tout aussi bon, mais beaucoup moins cher. Les xiaolongbao de Taiwan me manquent énormément!
Je viens de tomber sur cet article et au vu des commentaires il date certainement.
Toutefois je tiens à apporter une précision (qui date aussi un peu). J’ai fait 5 Din Tai Fung dans le monde, et il y a des inégalités entre les succursales.
En 2017, j’ai pu découvrir DTF depuis leur restaurant historique de Taipei XinYi, et ai pu constater qu’il n’y a pas qu’à Shanghai qu’on peut manger de délicieux Xiao Long Bao. Durant le même séjour, j’ai essayé la succursale au pied de la tour 101, et j’ai trouvé que les raviolis n’étaient pas aussi fins.
Même déception à Hong Kong, la même année, où là ca a carrément été une catastrophe, que ce soit dans l’accueil et le service, ou dans la qualité des raviolis proposés (pas bon, trop cuits, pate trop épaisse).
J’ai eu la chance de renouveler l’expérience à Santa Clara en Californie en 2018, et en dépit de la distance par rapport à Taipei, j’ai trouvé que c’était équivalent en qualité aux raviolis du restaurant original de Taipei, c’était même mieux car le service était bien meilleur.
A Manille, en début d’année 2019, j’ai étalement été super agréablement surpris par la qualité des produits de leur antenne du SM Megamall à Ortiga (mais là le service était pourri) (Si vous y allez, gardez de la place pour aller prendre quelques mets au Tim Ho Wan qui est l’échoppe juste à côté et qui est aussi une chaine internationale, mais qui est aussi un régal, contrairement à leur branche de NYC).