Saison, le meilleur japonais de Nice
Si vous aimez la cuisine japonaise et que vous vous trouvez sur la Côte d’azur, courez chez Saison. J’ai presque envie de vous dire que c’est un ordre, parce que vous ne pourrez pas être déçu. Comme moi, vous saurez immédiatement que ce restaurant est une perle. Et après un repas tout en légèreté et en finesse, vous partirez avec l’envie d’y retourner le lendemain. D’y retourner ce soir. D’y retourner tout de suite.
J’avais déjà dit beaucoup de bien du chef Keisuke Matsushima. Son restaurant éponyme étoilé est un petit bonheur, il mêle parfaitement les identités japonaise et niçoise, sans en faire trop (en cuisine du moins). Mais Kei a d’autres restaurants : une brasserie toute neuve, l’Ecole de Nice, un établissement à Tokyo, Restaurant-I, étoilé lui aussi, et puis Saison, la perle japonaise de Nice, rue Gubernatis. Un restaurant tout en simplicité mais tenu d’une main de maître par le chef Jirō Kondo, originaire de Fukuoka comme Kei, et le directeur de salle Hiroaki Nagai qui est aussi le propriétaire associé de l’établissement.
Cadre épuré et menus abordables
Saison m’a conquise à la seconde où j’ai passé la porte. C’est calme, joli, épuré, la lumière est douce, il y a beaucoup d’espace et assez peu de tables, on s’y sent bien. On n’a pas droit à un tatami, la salle est adaptée à la clientèle niçoise (âgée et incapable de s’asseoir par-terre) bien qu’une bonne moitié des clients soient japonais ; on mange à l’occidentale, assis sur des chaises, mais avec des baguettes. La carte est variée, les menus du déjeuner sont prometteurs et changent chaque jour.
La première option du jour, c’est menu à 18 euros, le plat principal étant un carpaccio de thon dans une sauce au sésame. La deuxième option est un menu sashimi à 24 euros. Les entrées et accompagnements sont les mêmes dans les deux cas. Un restaurant qui se spécialise ainsi dans les menus simples et abordables s’appelle teishoku / 定食 au Japon. On sait que l’on aura du riz et du miso, le reste changera chaque jour en fonction de la saison : tempura, sashimi, poisson grillé, viande mijotée…
Nanban-zuke de rougets, sublime
On commence par un kobachi / 小鉢 / こばち, littéralement un « petit bol ». En l’occurrence, c’est une petite entrée, effectivement servie dans un très joli bol : des filets de rouget frits puis marinés au vinaigre doux, navet et carotte.
Les Japonais appellent ce type de plat nanban-zuke / 南蛮漬け/ なんばんづけ, « marinade barbare du Sud ». Le mot « nanban » vient du chinois 南蛮 / Nanman et désignait autrefois les populations étrangères habitant les régions méridionales ; aujourd’hui, les Japonais l’utilisent par extension pour signifier tout apport extérieur à la culture japonaise.
En l’occurrence, le nanban-zuke vient d’Espagne : c’est l’escabèche, une spécialité de poisson frit puis mariné au vinaigre et au piment. On la sert froide, d’où son immense succès sur le pourtour méditerranéen, en Amérique latine et dans certaines régions d’Asie visitées par les Européens il y a quelques siècles.
L’escabèche a très bien pris à Nice, mais le rouget de Saison est réellement cuisiné à la japonaise et non à la nissarde, frit en tempura discrète et mariné dans un vinaigre parfaitement sucré avec une fine julienne de légumes. C’est absolument magique : les pieds à Nice, les papilles au Japon, on boit la marinade jusqu’à la dernière goutte, peu importe si ça se fait ou pas, c’est trop bon.
Pour boire en vrai, le restaurant propose d’excellents thés et sake, mes voisines japonaises s’en donnent à coeur joie. Dans la salle, on peut voir un magnifique baril, il paraît que c’est l’un des meilleurs du Japon, mais celui-ci, pas touche.
Saint-Jacques et fleurs de courgettes en tempura
Assez rapidement – car le directeur de salle qui assure le service, Hiroaki Nagai, est d’une efficacité redoutable, en plus d’être doux, pondéré, aimable, courtois et joli garçon – le deuxième plat arrive : il s’agit d’une tempura de Saint-Jacques et de fleur de courgette. Comme ce sont à peu près les deux choses que je préfère dans la vie, je suis comblée. Dernières Saint-Jacques de l’hiver, premières courgettes du printemps, l’équinoxe a du bon.
Le beignet de fleur de courgette, c’est le goût de Nice ; en tempura c’est encore meilleur. La pâte est d’une finesse exceptionnelle, elle laisse toute la place à la fleur, juste saisie, délicieuse. Un beau morceau de courgette l’accompagne, ce sont les jolies petites niçoises, vert clair, qui sont tendres et douces. Quand elles sont bien fraîches, on peut les manger crues. Dans mon assiette, elles le sont, à peine saisies par la friture.
La Saint-Jacques est énorme, succulente (je me rends bien compte que je mets des superlatifs partout, mais tout était parfait, imaginez mon excitation), parfaitement cuite, rien à redire. Pas de sauce mais du citron de pays et une simple pincée de sel au curry qui, à ma grande surprise, s’avère être l’assaisonnement idéal.
Sashimi de poissons et gamberi, shoyu du feu de Dieu
Ensuite, place aux plats principaux : une assiette de sashimi d’un côté, un carpaccio de thon de l’autre, du riz aux petits pois et une soupe de miso blanc aux algues pour tout le monde. Le sashimi est très méditerranéen : il y a là du bar, du thon, de la dorade, du saumon (moins méditerranéen forcément) et des crevettes italiennes, les gamberi. Ne vous fiez pas à la photo qui est minable, l’assiette était très belle.
Juste un mot sur les gamberi AKA Plesionika Edwardsii : en italien, « gamberi » veut simplement dire « crevette », mais il ne s’agit pas du tout des crevettes roses que nous connaissons en France. On les pêche dans le golfe de Gênes, mais seulement du côté italien, allez savoir pourquoi, par 400 mètres de fond.
On les achète crues au marché, et on peut les manger telles quelles, elles sont très très tendres et très très sucrées. D’après ce que j’ai pu comprendre, Keisuke Matsushima en est amoureux, tous ses restaurants niçois en proposent. Il a raison. Si vous voulez qu’Alain Ducasse vous parle d’amour et de gamberi, allez par là.
Comme je pouvais m’y attendre, tous mes poissons sont délicieux, le chef Jirō Kondo connaît décidément son métier, mais la grande surprise, c’est mon shoyu. Il est bon, mais qu’est-ce qu’il est bon, je veux tout savoir, mais on ne me livrera pas vraiment la recette, c’est un secret. Je sais simplement qu’on y a fait mariner du katsuobushi (de la bonite séchée) et d’autres choses, et que le résultat est fabuleux.
— Petite mise à jour : ma photo de sashimi était nulle et je suis une fille persévérante ; je suis donc retournée chez Saison quelques jours plus tard – dévotion – et j’ai pu me rattraper. Ce jour-là, on m’a servi du maquereau, du bar dont la peau était juste grillée au chalumeau (une merveille), du thon, du saumon et de la bonite. Quelques boutons de fleurs de cerisier, parce que c’est le printemps, des graines germées, un peu de citron vert et de citron jaune, c’était beau comme un coffret à bijoux. —
Carpaccio de thon au sésame, parfait
Le carpaccio de thon est quant à lui idéalement préparé, idéalement tendre, idéalement tout, la sauce au sésame aussi, le riz aussi, le miso aussi, on est content, on est juste content, tout va très bien après un repas comme ça. On peut décider de s’arrêter là-dessus ou de choisir un dessert à 9 euros comme une glace au sésame ou une crème brûlée au marron. Je préfère m’abstenir, je sors légère, heureuse.
Il y a deux semaines, je m’étais un peu fâchée contre Keisuke Matsushima (dans ma tête bien sûr, pas en vrai) car son restaurant de la rue de France ne propose plus que des formules entrées, plat et dessert, plus chères que les menus sans dessert qui étaient servis autrefois. Comme je n’aime pas les desserts, ça m’agaçait.
Mais maintenant que je connais Saison, le problème est réglé : c’est, de loin, mon restaurant préféré dans la région, je vais y retourner et y retourner encore. Bref, si vous me cherchez, vous saurez où me trouver : 17 rue Gubernatis, mon nouveau QG, fermé le dimanche et le lundi.
Evidemment, tout ça fait envie, même si ça manque un peu de poutine au foie gras à mon goût. Cela dit :
– Je n’ai jamais goûté aux gamberi, et du coup ma vie n’a aucun sens
– Je savais que la tempura venait du Portugal, mais j’ignorais l’origine espagnole des fritures marinées au Japon, je suis inculte au fond…
– Je n’ai jamais été fichu de cuisiner proprement la fleur de courgette, ramène-moi de Nice un gros fugu de Barbarie que j’en finisse.
Héhéhé, la poutine au foie gras, ça va rester légendaire je sens. Pour les gamberi, je t’en rapporterais bien mais je doute que les six heures de train leur plaisent – après tout tu as bien fait ça avec tes supions remarque, on peut tenter le coup, il faut juste que je dégote une glacière – bref, on va redonner du sens à ta vie d’inculte (toi qui dis ça c’est un comble), je te rapporterais bien toute la côte d’azur dans un panier, avec des fleurs de courgettes fraîchement frites, de l’estocafic et tout et tout, mais le plus simple, ce serait encore que tu viennes ici faire le plein de bonnes choses.
Bref, je réitère l’invitation : quand tu veux, si un jour tu en trouves le temps, tu es le bienvenu dans ma jolie région, on cueillera des asperges, des herbes de Provence et des artichauts sauvages, on fera les fous sur les marchés italiens, on se régalera chez Keisuke, oui oui oui, ce serait chouette.
OK, je reviendrai à Nice.
Wow, ça a été facile. Bon, tu as le temps, je ne vais plus être en France bientôt et pour un bon moment…
Chère Camille,
Après une telle présentation , on ne peut que vouloir aller à Nice, et déguster toutes ces bonnes choses ! Depuis 20 et quelques année au Japon, je n’ai que rarement vu de bons restaurant japonais lors de mes séjours en France! Alors c’est promis j’irai voir Saison! Amitiés à Keisuke!!
Merci ! En France, les choses bougent vraiment depuis assez peu de temps : à Paris et à Nice, on commence à avoir une grande concentration de bons restaurants japonais, et ce dans tous les styles, à tous les prix, c’est assez étonnant. Le petit plus, c’est que la plupart d’entre eux composent avec certains ingrédients locaux et offrent une cuisine vraiment originale tout en respectant l’esprit des arts culinaires japonais. A Nice, c’est particulièrement flagrant… et particulièrement bon. Le mariage fonctionne à merveille.
Pile au moment où je me mets à manger un peu plus sain et que j’essaie d’éliminer les tonnes de fromages, charcuteries en tout genre et gros plats d’hiver ingurgités depuis des mois, je me disais que jamais, plus jamais j’allais aller au restaurant sans culpabiliser un peu.
C’était sans compter sur le fait que je vénère la gastronomie japonaise, et que j’avais totalement oublié à quel point c’était bon et sain.
Du coup, aucune raison de se priver d’un resto !!!
Merci pour les adresses, car on serait tentés d’aller dans le premier japonais venu…et là je découvre !
Je suis désolée Alexandra,
Saison a fermé le mois dernier… Mais je vous recommande le tout petit et très bon Ma Yucca, qui sert une cuisine japonaise simple et sans prétention, rue de la Buffa.